« L’existence absolue est ou ce que, nous connaissons ou ce que « nous ignorons. » Il ne nous reste que ces deux hypothèses, et il ne peut y avoir de contre-proposition. Quelle que soit la solution donnée à la question qu’il nous reste à résoudre, nous arriverons à un résultat certain, et au même résultat, puisque l’épistémologie et l’agnoiologie aboutissent aux mêmes conclusions, puisque ce que nous sommes capables d’ignorer est identique à ce que nous sommes capables de connaître.
« L’existence absolue n’est pas la matière per se ; en d’autres termes les choses purement matérielles n’ont pas une existence « réelle et indépendante. » Il n’est pas nécessaire d’énumérer les propositions de l’épistémologie, de l’agnoiologie et de l’ontologie elle-même, sur lesquelles s’appuie ce théorème. On admet communément, en opposition avec nous, que la matière en soi a, ou du moins peut avoir, une existence absolue. Les Grecs avaient mieux connu la vérité : la matière, pour eux, est le contradictoire ; non pas que la matière n’existe en un sens : les partisans d’un faux idéalisme l’ont seuls prétendu ; mais elle n’existe que de la manière que nous avons indiquée déjà, comme un je ne sais quoi d’inachevé, de dépendant, et les anciens marquaient fort bien la distinction qu’il faut faire ici en appelant les choses matérielles μή ὄντα, c’est-à-dire le contradictoire, et non pas οὐϰ ὄντα, c’est-à-dire le non-existant pour l’intelligence. Ces choses, en effet, sont par elles-mêmes plus que rien, mais elles sont le non-sens.
« L’existence absolue n’est pas le particulier en lui-même, ni l’universel en lui-même ; en d’autres termes, le particulier séparé de l’universel, et l’universel séparé du particulier, n’ont pas ce d’existence absolue. » Le nominalisme soutenait la contre-partie de cette proposition et admettait que le particulier du moins peut avoir une existence absolue. La réfutation de cette doctrine, telle que nous l’avons présentée plus haut, conserve ici toute sa force.
« L’existence absolue n’est pas le moi en lui-même, ni l’esprit dans un état de pure indétermination, c’est-à dire sans aucune chose ou aucune pensée présente : en d’autres termes, le moi per se n’est pas ce qui existe réellement et absolument. » Sans doute le moi est, dans l’existence comme dans la connaissance, l’élément de beaucoup le plus important, l’élément universel, essentiel, éternel ; mais il est nécessaire d’insister sur la contradiction qu’il y aurait à admettre son existence indépendante, absolue. C’est à cette condition, en effet, que la matière peut être dépouillée, elle aussi, d’une existence absolue, et par là seulement se trouve ruinée la doctrine matérialiste.