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ch. bénard. — l’esthétique de max schasler

base solide à sa critique. Malgré les défauts qui tiennent à son point de vue et à sa méthode, il montre beaucoup mieux qu’on n’avait fait avant lui la suite et les véritables rapports des doctrines et des systèmes. — Tous ces mérites reconnus nous mettent à l’aise pour l’examen plus sérieux que nous allons faire de ce livre et de chacune de ses parties.


II


Si l’on considère l’ensemble et la pensée principale, l’œuvre de M. Schasler est essentiellement systématique. Cette histoire critique, en effet, doit servir à fonder une esthétique nouvelle. Le titre même le dit (Grundlegung für die Æsthetik). Ce que nous avons sous les yeux n’est que la première partie d’un travail plus considérable où la science sera exposée en elle-même et pour elle-même sous forme théorique et régulière : « La philosophie du beau et de l’art. »

Tel est le but que s’est proposé l’auteur. C’est aussi, selon sa formule, de retracer « la genèse de la conscience esthétique, » autrement dit, de montrer les diverses phases qu’a parcourues la conception du beau et de l’art, dans son développement réfléchi avant d’arriver à se connaître elle-même. Cette évolution est marquée par la succession des théories et des systèmes qui ont apparu depuis l’origine de cette science jusqu’au moment où elle est parvenue. C’est, on le voit, une conception toute hégélienne qui est la pensée et l’âme de ce livre. L’auteur prend soin de la marquer et de la défendre contre ceux qui pourraient la contester, en particulier contre Vischer (V. p. 1047). Mais, avant tout, cette histoire doit servir à établir la science du beau sur une base incontestable et non hypothétique. Elle doit fournir « la vraie définition de cette science, » permettre de tracer nettement son domaine et ses limites, de la séparer des autres sciences limitrophes ou voisines ; elle doit prouver sa légitimité.

Le but marqué, quelle méthode doit y conduire ? Avant de la donner, l’auteur fait la critique de ses devanciers et il indique les conditions à exiger pour la réalisation d’une esthétique nouvelle. Ces conditions qu’il expose dans sa Préface, XIII-XXIII, concernent la forme et le fond (die Form. der Grund). La forme offre deux écueils à éviter : 1° une diction trop ornée, le luxe des images et des métaphores, les artifices du beau langage (Schönrednerei) qui servent à dissimuler la pauvreté ou la faiblesse des idées, 2° le défaut