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Les causes ne sont pas des lois et les lois ne sont pas des causes, comme l’ont dit parfois des philosophes inattentifs ; mais la connaissance d’une cause réclame, pour être logiquement féconde, la connaissance de la loi de son action. La présence d’un corps est une cause mécanique. Je ne puis rien déduire du fait de sa présence, si j’ignore la loi de la gravitation ; mais le corps et la loi sont deux choses parfaitement distinctes que l’on ne peut confondre sans tomber dans des erreurs philosophiques très-graves.

En physique, on cherche l’explication des faits dans la présence d’un corps ou d’un mouvement déterminé. Un pan de mur tombe ; la question est de trouver la cause de sa chute. Un physicien appelé sur les lieux suppose que le fait peut provenir d’un foyer de chaleur voisin. L’examen des lieux confirme sa conjecture ; une barre de fer appuyée au mur est dilatée par l’action de la chaleur. La cause du phénomène est ici le mouvement du fer dont la science du calorique fournit la loi. En 1846, M. Le Verrier suppose que certaines perturbations observées dans le mouvement de la planète Uranus proviennent de l’existence d’une planète inconnue dont il détermine par le calcul la position probable : voilà l’hypothèse. Peu de temps après la publication du travail de M. Le Verrier, M. Galle, astronome berlinois, voit la planète supposée : l’hypothèse a obtenu de la sorte une confirmation immédiate et absolue. Si la planète n’avait pas été vue, son existence serait encore une hypothèse simplement probable.

La géologie fait un usage de l’hypothèse qui, sans être plus nécessaire, est moins contesté que cela n’a lieu pour la physique. Cette science cherche à déterminer les causes des phénomènes que le globe terrestre livre à l’observation. Arrêtons-nous à un seul fait : celui des blocs erratiques. Certains blocs de rochers s’offrent dans des conditions spéciales ; il s’agissait de déterminer la cause de leur présence. On a d’abord supposé qu’ils ne sont pas dans leur position primitive, et qu’ils ont été transportés aux places où ils se trouvent maintenant. L’examen de la nature du sol qui les entoure a vérifié cette première conjecture. Le transport était ainsi désigné comme la cause de la situation actuelle des blocs. Quel a été l’agent de leur transport ? Il y a peu d’années encore, on admettait que c’était l’eau. Une autre supposition, le transport par le moyen des glaciers, a pris aujourd’hui la place de l’idée ancienne. Comment cette théorie nouvelle est-elle née ? Comment a-t-elle été acceptée par les savants ? En 18*21, un ingénieur valaisan, Venetz, communiqua à la Société helvétique des sciences naturelles un mémoire dans lequel il faisait connaître 22 observations constatant, dans son