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conditions mécaniques. L’une et l’autre ne sont intelligibles que par les types de perfection où ils tendent. Cependant l’auteur regrette le divorce qui s’est produit entre la philosophie et la science et remarque que chaque pas en avant fait par la métaphysique a eu pour cause quelque conquête notable réalisée dans le champ de l’expérience par les investigateurs des secrets de la nature. En effet, dit-il, l’idée de l’absolu est par elle-même immobile comme son objet. M. Bertinaria penche donc vers un système analogue à celui de Schelling, seconde manière, système où les réalités métaphysiques, vigoureusement affirmées, loin de masquer les réalités phénoménales, sont présentées au contraire comme la condition nécessaire de leur intégration rationnelle et de leur connaissance systématique. Il est à la fois évolutionniste et transcendantal, parce que sans les vérités transcendantes, l’évolution lui paraît inintelligible, évolutionniste parce que la pensée se perd dans le gouffre de l’essence pure sans différences ni variations : en sorte que l’évolution lui est aussi chère que la transcendance. C’est pour cela qu’il est disposé à pardonner au système de Spencer quelques-unes de ses lacunes les plus graves (notamment le caractère empirique de sa psychologie) ; Spencer en effet reconnaît un idéal social, et il a tenté, comme Schelling, de mettre d’accord la philosophie et la religion en leur assignant un objet commun, l’Inconnaissable : « cet absolu identique, » dit l’auteur de l’Idéalisme transcendantal, « auquel ne peut s’appliquer aucun attribut emprunté aux choses de l’intelligence et de la liberté, qui ne peut donc jamais être l’objet de la connaissance, qui ne peut être l’objet que de l’hypothèse éternelle sur laquelle repose l’activité, la foi » (page 334). Cette conception d’un absolu aussi nécessaire qu’inaccessible tire, aux yeux de M. Bertinaria, le philosophe anglais de la foule des empiriques et le range parmi les ontologistes, qu’il le veuille ou non.

A. E.

S. Turbiglio : Benedetto Spinoza e le transformazioni del suo pensiero. Roma, 1876 (in-8, 306 pages).

Toute idée peut être envisagée à deux points de vue. Au point de vue logique, comme concept, elle est un ensemble de notions ou qualités abstraites, immobiles et constantes ; au point de vue expérimental, comme représentation, elle est une série de formes concrètes, changeantes et progressives. Suivant le côté par où on la regarde, c’est une essence qui demeure, ou une réalité qui évolue. Un système d’idées, une doctrine philosophique peut de même être présentée sous deux aspects, l’un statique, l’autre dynamique. Spinoza, en raison de la forme de sa pensée et sans doute aussi de la nature de sa doctrine, a choisi le mode d’exposition géométrique propre aux conceptions abstraites. Mais comme cette philosophie embrasse l’univers, elle contient, suspendues pour ainsi dire aux mailles de ses syllogismes, une multitude de choses vivantes susceptibles d’être rangées suivant un ordre tout