Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
revue philosophique

dernes, du docteur Ernesti, nous offre la combinaison des résultats de l’exégèse moderne, appliquée aux écrits du grand apôtre, avec les préoccupations et les besoins de la pensée moderne, décidément réfractaire au dogme antique de l’imputation du péché d’Adam à la race entière. — Ce coup d’œil sur le contenu des matières montre l’importance de l’œuvre de M. Astié ; nous y avons beaucoup mieux qu’un résumé d’ensemble, où les personnalités s’émoussent et s’effacent forcément, à savoir une série de photographies, dont l’étude remplacera pour nous avec avantage celle des originaux, qui n’est guère accessible qu’à ceux qui s’y consacrent exclusivement. Je le répète, M. Astié, en se dérobant discrètement devant ceux qu’il veut nous faire connaître, toutefois après les avoir nommés et introduits, nous rend un service signalé, et rend désormais inexcusable une ignorance à laquelle les mieux intentionnés ne savaient trop jusqu’à présent comment remédier.

C’est le moment d’aborder deux des principales questions traitées soit dans l’introduction, soit dans le cours du volume, et de voir les solutions que, d’accord avec les tendances de l’esprit moderne, la dogmatique allemande essaie aujourd’hui de donner, d’une part à la question de l’autorité de la Bible, cette base du protestantisme, de l’autre à celle de l’union des deux natures divine et humaine dans la personne du Christ, cette base du christianisme lui-même.

La dogmatique du xviie sièclee avait établi l’autorité de la Bible sur l’inspiration absolue de ses différentes parties, autrement dit sur l’infaillibilité de son contenu. Cette proposition a cessé d’être tenable depuis que les travaux de la critique ont ébranlé l’authenticité de plusieurs des écrits canoniques, et constaté d’autre part, entre ceux-là même que l’on conservait aux auteurs dont ils portent les noms, des divergences doctrinales d’une haute gravité. La Bible ne saurait donc rester aux yeux du théologien protestant le critérium infaillible du dogme, et il ne sert plus de rien d’invoquer au profit soit de la Trinité, soit de la divinité du Christ, des passages pris au hasard et pêle-mêle dans l’ancien et le nouveau Testament, comme on le pratiquait sans aucun scrupule jusqu’à une époque encore peu éloignée, et comme les sectes dissidentes le font aujourd’hui même. De l’aveu de tous, la Bible offre au moins quatre types doctrinaux séparés par de profondes divergences : l’hébraïsme, c’est-à-dire le type doctrinal des Juifs avant l’exil babylonien, le judaïsme qui embrasse la période comprise entre la restauration hiérosolymite et l’ère chrétienne, le type doctrinal de Jésus que l’on reconstitue à l’aide des Évangiles et le type doctrinal des apôtres, Ces deux derniers types à leur tour se segmentent d’une façon alarmante pour la foi : la pensée de Jésus nous est parvenue en double exemplaire, d’une part sous la plume des trois premiers évangélistes, de l’autre dans l’évangile selon saint Jean dont le contenu ne peut être rapproché de celui de ses congénères qu’au moyen des plus grands efforts ; la pensée apostolique, de son côté, nous offrira en face du type judéo-chrétien le type paulinien et le type johannique. — Comment, en présence de ces résultats indubita-