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l’orgueil de l’humilité : c’est pourquoi Pascal ne s’avoue pas ici l’auteur de la méthode en question, mais on sait par une lettre de sa sœur Jacqueline qui lui demande des éclaircissements sur cette méthode que c’est bien à lui qu’il faut l’attribuer.

Cette lettre en effet commence ainsi :

Nos mères m’ont commandé de vous écrire, afin que vous me mandiez toutes les circonstances de votre méthode pour apprendre à lire, où il ne faut pas que les enfants sachent le nom des lettres[1].

Toute méthode a ses difficultés et ses inconvénients propres : celle de Pascal n’a pas prévu le cas où certaines lettres ne doivent pas être prononcées : par exemple à la fin des mots, quoique ces lettres aient « un son naturel », par exemple Jésus, qui doit se dire Jésu et non Jésuse. Elle n’a prévu non plus qu’« en ajoutant » aux consonnes, par exemple n, « l’e muet qui est nécessaire pour les prononcer », on arriverait, à la fin des mots à prononcer one au lieu de on. C’est sur ces difficultés spéciales que Sœur Euphémie (Jacqueline) demande à Pascal des explications.

Nous n’avons pas à parler des difficultés que la méthode de Pascal eut à s’implanter, toute raisonnable qu’elle fût. Aujourd’hui son triomphe est assuré, complet : partout le « syllabaire » a remplacé l’alphabet ou « l’abécédaire ». La réforme de Pascal n’est plus contestée, elle ne pourrait plus aujourd’hui qu’être compromise par les exagérations ou les excès de ses partisans, plus exactement, que par la méconnaissance de son principe. Quel est ce principe ? Ce n’est pas que l’esprit de l’enfant est naturellement synthétique, global, et répugne à l’analyse, auquel cas il n’y aurait plus, pour se conformer à ses tendances naturelles, qu’à lui apprendre à lire d’abord des phrases, ensuite des mots, finalement des syllabes, et on ne voit pas bien alors comment il arriverait jamais à savoir ses lettres, à supposer même qu’il s’avisât de lui-même de la décomposition déjà artificielle de la phrase en mots et des mots en syllabes. Le principe de Pascal est tout autre : il faut partir, pour la lecture comme pour tout le reste, de l’analyse, non de la synthèse, mais d’une analyse naturelle, non artificielle. Or il est naturel, quand on donne un nom à une lettre, que ce nom soit le signe vocal de cette lettre,

  1. Ibid. p. 208.