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REVUE PÉDAGOGIQUE

mière qu’il veut écrire ; voici ses paroles, tracées d’une main qui s’efforce de ne pas trembler : « Je suis bien content, je vous remercie de tout mon cœur. »

Mais ce que vos maîtresses, mes enfants, ne vous diront pas, et ce que Je veux vous dire, c’est ce qu’elles ont fait elles-mêmes : combien elles ont été bonnes, et douces, et gaies, souriantes toujours auprès de leurs blessés. Ce sourire certains jours était mouillé de larmes : elles avaient le cœur gros, pour une inquiétante nouvelle reçue d’un des leurs, une nouvelle fatale parfois ; mais elles savaient refouler leurs larmes, et ne laisser voir que leur sourire. Aussi donnaient-elles à nos défenseurs, dont beaucoup s’étaient arrachés sans faiblesse à leur foyer, laissant derrière eux une femme, des enfants, l’illusion vraie de la famille. Pour ces hommes faits, pour ces jeunes hommes, redevenus tous, comme lorsqu’on souffre, des enfants, elles devenaient elles-mêmes des mamans, quelques-unes des grand’mamans, car l’âge n’a pas arrêté le zèle, ou bien de grandes sœurs, et parfois de petites, les plus jeunes, agiles, empressées, et qui apportaient, avec ces bouquets dont elles aimaient à réjouir les yeux des pauvres souffrants, comme le gracieux épanouissement de nos vertus françaises.

Et maintenant qu’elles sont rentrées dans leurs écoles, si parfois elles ont une distraction, c’est qu’elles seront là-bas en esprit auprès des chers blessés ; si elles ont avec vous quelque impatience, prenez garde, c’est que leurs blessés étaient plus dociles, et leur donnaient moins de peine que maintenant leurs élèves. Ou plutôt non : dès le premier jour, j’ai visité vos classes, et j’ai constaté avec quel sérieux s’est faite votre rentrée, avec quel sentiment profond de la gravité de l’heure présente vous vous remettiez au travail scolaire, comme à l’accomplissement d’un devoir patriotique, le seul, en effet, dont on soit capable quand on n’a, comme vous, que l’âge des écoliers. Et avec quel empressement on prélevait sur les heures de travail, on y ajoutait même, dans nos écoles, le temps de confectionner des vêtements chauds pour nos soldats pendant ce rude hiver ; avec quelle agilité les petits doigts effilaient de la charpie, jusque chez les plus jeunes, petites filles et petits garçons !