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SUR LA GUERRE

des sentiments d’autrui sont complètement exclus, repose sur une hiérarchie sociale rigidement établie : au sommet, l’officier noble, uniquement voué aux œuvres de la guerre, dominant de haut la nation ; puis, au-dessous, les puissances industrielles et commerciales, les grands propriétaires agricoles, les professeurs, les savants, les maîtres d’école, et enfin la masse du peuple, tous solidement enrégimentés, tous orientés par une formation et un enseignement systématiques, en vue de placer l’Allemagne au-dessus de tout et de faire des autres hommes les clients serviles de leur pays. N’avons-nous pas vu s’étaler la prétention d’enrôler Dieu lui-même, pour assurer la domination de l’empire allemand ?

À cet idéal les alliés en opposent un autre que suffisent à exprimer les deux noms de Liberté et de Justice.

Nous reprenons enfin notre rôle séculaire. Ainsi qu’il a été dit au début de la guerre qui a libéré l’Italie du Nord : quand la France tire l’épée, ce n’est pas pour dominer, c’est pour affranchir. Les nations alliées combattent pour les opprimés : l’Alsace-Lorraine, le Schleswig-Holstein ; le Trentin et Trieste, la Bosnie, l’Herzégovine, la Transylvanie, les parties séparées de la Pologne. Après leur victoire, il faut que l’humanité se développe dans l’union des races diverses, dans l’épanouissement des aspirations nationales, dans le respect des trésors accumulés par l’art et par la science ! Il faut qu’il ne subsiste plus aucun peuple opprimé, aucune violence, aucune caste militaire. Il faut que tout ce qu’il est de forces au monde soient employées à assurer la paix. Il faut que pour l’Allemagne un autre rêve succède aux ambitions monstrueuses et dominatrices : celui de n’être plus qu’un des éléments de la civilisation dans un monde affranchi et pacifié.

La France a proclamé en 89 les Droits de l’Homme ; elle proclamera maintenant les Droits de l’Humanité ; après avoir vaincu l’Allemagne sur les champs de bataille, elle la vaincra sur le terrain moral, en anéantissant toute organisation de violence et en assurant les garanties essentielles du droit et de la civilisation.

C’est là l’esprit qui anime nos admirables soldats, ce sont là les pensées communes à tous ces jeunes gens de toutes les opinions et de tous les milieux, qui constituent la nation armée pour