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JEUNES GENS D’AUTREFOIS ET JEUNES GENS D’AUJOURD’HUI

tantisme à ces décourageantes prophéties, comme si elle eût voulu donner elle-même un témoignage de cette décadence ! Il faut se défier de ces portraits tracés à si larges traits. Rarement ils s’appliquent entièrement à la réalité vraie, rarement ils la reproduisent telle qu’elle est…

 

Jeunes amis, c’est surtout à vous que je m’adresse en terminant. Vous n’oublierez pas que, dans l’ordre des faits nationaux, la génération qui vous cède la place, a fondé et consolidé la République, et que la République a relevé la France, et de ce relèvement vient la renaissance de l’orgueil français que vous sentez bouillonner dans vos jeunes artères.

Vous n’oublierez pas que, dans l’ordre social, cette génération a eu le culte de la liberté ; elle l’a d’autant plus aimée que ses aînés immédiats venaient à peine de la conquérir et de la lui transmettre encore bien jeune et bien chancelante ; plus assurée aujourd’hui après quarante ans de durée, c’est grâce à elle que la jeune génération a pu se développer dans le sens qui lui a plu et vers lequel elle se sentait attirée. Elle a eu aussi le souci de la justice sociale et de la fraternité. Elle vous lègue donc un idéal et cet idéal a sa beauté, sa grandeur, sa noblesse.

Vous n’oublierez pas que, dans l’ordre de la culture littéraire, elle vous a appris la tradition nationale, que l’on semble « découvrir » aujourd’hui comme une Atlantide mystérieuse et lointaine ; elle a conservé la tradition classique dans toute sa pureté. Dans l’ordre scientifique elle a porté au plus haut degré de perfection ses méthodes de recherche et de découverte. C’est grâce aux découvertes scientifiques de ses aînés que la jeune génération a pu produire et utiliser les hardis marins qui dirigent les submersibles dans l’obscurité insondable des mers et les héros audacieux qui lancent éperdument les avions dans la lumière radieuse du ciel infini, par delà les frontières les plus reculées.

Vous n’oublierez pas enfin que si cette génération a beaucoup réfléchi et critiqué, elle a préparé l’action par l’exercice même de la pensée : « Agir, agir », on n’entend plus que ce cri ! Mais qu’est-ce que l’action sans la pensée ? sinon une vaine et stérile agitation ? Agissez donc, rien de mieux, mais pensez aussi, gardez les yeux grand ouverts, et méfiez-vous de ceux qui voudraient vous Jeter dans l’action en nouant un bandeau épais sur vos yeux candides et confiants !