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REVUE PÉDAGOGIQUE

d’un lointain village ; la moitié de la Rome impériale dort sous les pépinières et les vignes, Aussi le voyageur ne peut-il, dans sa mémoire, séparer Rome de la campagne qui l’entoure ; parmi les images qu’il évoque le plus volontiers, beaucoup lui viennent de la plaine qui s’étend des murs de Rome à la mer et aux montagnes, avec ses horizons calmes, ses ruines, ses fermes pauvres, sa tristesse émouvante et légendaire.

La complexité d’impressions et de souvenirs qui empêche l’étranger d’être conquis dès le premier jour est précisément ce qui fait, après un peu d’accoutumance, la séduction suprême de Rome. « Complexité et harmonie », c’est le sous-titre que M. Schneider a préféré pour son livre, la formule qui lui semble résumer le mieux l’essence de la ville. Rome a ce privilège de réunir en elle les traces de toutes les époques, des civilisations les plus diverses, les sanctuaires des religions les plus opposées, et de résoudre en harmonie toutes ces notes, tous ces accords disparates. On y comprend, dit M. Schneider, parce qu’on l’y rencontre partout traduit dans les faits, le principe hégélien de l’identité des contradictoires ; ou bien encore : « Ici la loi de l’évolution est partout visible : à l’œil nu. » Des « correspondances » délicates relient le monde moral au monde physique, le présent au passé, l’art à la nature ; et la beauté de Rome est inexprimable, parce que le langage, nécessairement analytique, nous oblige à fractionner une réalité qu’il faudrait rendre telle qu’elle est sentie, comme la synthèse achevée d’éléments multiples.

Rome est pleine de passé. Que l’on s’arrête au hasard de la marche, dans le premier carrefour venu : des images anciennes ne tarderont pas à se présenter ; le nom antique du lieu, transparaissant quelquefois encore dans le nom moderne, rappellera, des âges lointains où s’enfoncent la République et l’Empire, quelque événement illustre, qui, là, au contact des choses, semble se rapprocher et devenir moins fabuleux ; ou bien l’on songera que ce décor, à peine modifié, est celui où furent vécues les chroniques et les histoires de l’Italie médiévale et moderne : ces