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REVUE PÉDAGOGIQUE

la destruction du monastère de Port-Royal, les ossements des religieuses et des solitaires apportés là pêle-mêle dans les tombeaux : lieu de pèlerinage, en 1732 et 1733, pour les convulsionnaires, lieu révéré, encore aujourd’hui, du petit nombre d’esprits cultivés à qui le souvenir de Port-Royal est en quelque sorte sacré. Les novices étaient hospitalisés dans le presbytère de Saint-Lambert par M. Louis Silvy, ancien auditeur à la Chambre des comptes, janséniste notoire. Un peu après, — pour comble, — c’était à Port-Royal même, devenu la propriété de Bonaventure Hureau, que cette École normale était transportée, — comme si l’audacieux supérieur eût voulu renouveler, dans l’atmosphère de tant de glorieux souvenirs, l’âme de la petite phalange d’éducateurs qui prétendaient continuer sous la Restauration, dans les écoles du peuple, sinon les méthodes pédagogiques de Lancelot et de Nicole, au moins l’esprit religieux de Saint-Cyran, d’Arnauld et de Quesnel. — Le moment n’était sans doute guère bien choisi, au temps où, dans le catholicisme français, le gallicanisme janséniste était également répudié par Lamennais et par Ravignan, par Montalembert et par Lacordaire. De Port-Royal, le noviciat revint à Magny-les-Hameaux, autre village janséniste, puis à Paris, au no 70 du boulevard de l’Hôpital en 1858. Ces déménagements successifs étaient les signes de la mort prochaine. Dès avant la mort de Hureau (1868), le recrutement des frères de Saint-Antoine était sans doute tari. Et l’on mettait aux écoles de Saint-Lambert et d’Auxerre, non plus des célibataires, mais des hommes mariés et pères de famille.

Néanmoins en 1873 encore, « un semblant de chapitre » élut supérieur général l’un des plus vieux frères, Étienne Sannier, qui est mort en 1887. Qu’il demeurât, chez ce dernier successeur de Tabourin, des restes de la foi janséniste, irréconciliable ennemie de l’esprit des Jésuites et des doctrines ultramontaines, on n’aura pas de peine à le croire si l’on a rencontré quelqu’un des « amis de la vérité », qui subsistent encore à l’heure actuelle, et à qui le Formulaire de 1655 et la bulle Unigenitus de 1713 continuent d’être des objets de douleur et d’exécration. Mais ce qu’il serait intéressant de savoir, c’est si, au moins jusqu’à la mort d’Étienne Sannier, l’enseignement et l’éducation donnés aux enfants du peuple, dans les écoles des Frères Saint--