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REVUE PÉDAGOGIQUE

toutes appliquées successivement et, de la science la mieux informée, il dégage la logique la mieux outillée. Quel trait de lumière ! C’est de cette manière qu’il faut enseigner les sciences. »

Et M. Bertrand poursuit : « En éducation, tout dire n’est pas seulement le secret d’ennuyer, c’est le moyen de stupéfier et de paralyser l’esprit » (p. 271). « Il faut procéder par masses de lumière et d’ombre » à la façon des paysagistes de l’ancienne école.

De plus, il faut rattacher, comme le demande M. Fouillée, à l’histoire de l’humanité, au développement humain, toute vérité importante et toute théorie fondamentale. Il est des vérités scientifiques, dit Descartes, qui sont des batailles gagnées : racontez donc aux jeunes les principales et les plus héroïques de ces batailles (p. 277).

Suit une étude fort intéressante, mais un peu sommaire, sur les rapports intimes des diverses sciences, sur la nécessité d’introduire dans la géographie l’esprit scientifique (p. 284 et suivantes). Il y a, en outre. des remarques de même ordre sur l’enseignement de l’histoire. M. Bertrand la définit (p. 290) « le mode d’expérimentation de la sociologie », mais nous pensons que c’est une formule quelque peu ambitieuse, dont il vaut mieux s’abstenir. Expérimenter n’a qu’un sens : c’est introduire dans un système de faits connus et définis, une modification elle-même connue et définie, ou profiter de l’introduction d’une telle modification si elle se fait en dehors de notre volonté. Mais où trouve-t-on en histoire un système connu et défini de faits ? La complexité presque infinie des faits historiques et sociaux, leurs répercussions imprévisibles excluent toute idée d’expérimentation.

Nous n’avons pas découvert dans cet ordre de faits une seule coexistence ou une seule séquence inconditionnelle, c’est-à-dire pas une loi scientifique, et nous n’avons pas le droit de parler en histoire d’expérimentation.

Fidèle à la pensée de Comte, M. Bertrand couronne son enseignement scientifique par l’enseignement de la sociologie et de la morale. Il reconnaît loyalement (p. 294) ce que tous nous devrions reconnaître, à savoir que nul ne peut donner une preuve du devoir. Les sciences acceptent toutes des données premières qu’elles ne peuvent prouver, et la religion elle-même n’apporte pas en