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REVUE PÉDAGOGIQUE

Chacun des examens était long et laborieux. La soutenance soit du Grand, soit du Petit Ordinaire ne durait pas moins de six heures. De même pour la Vespérie. La Sorbonique en durait au moins douze, quatorze même, selon du Boulay. La thèse, ornée d’une gravure et dédiée à quelque personnage, indiquait la série de questions sur lesquelles la discussion pouvait porter. Le candidat, en robe rouge, tête nue, isolé devant une petite table où il ne pouvait avoir ni livre ni notes, devait répondre à tout venant, docteurs et bacheliers, « sans intermission ». Vers midi il prenait un léger repas d’un quart d’heure à peine, dans la salle, caché derrière une draperie, l’oreille tendue à l’argumentation qui se poursuivait. Puis il rentrait dans l’arène. Il n’était pas rare qu’au sortir de la séance on fût obligé de prendre le lit.

L’éclat des épreuves ajoutait à leur importance. Elles étaient publiques, et, pour peu que le candidat fût en renom de savoir ou de talent, maîtres et écoliers quittaient tout pour ne pas manquer la fête. « Quand mon frère le docteur soutint sa Tentative, dit Charles Perrault, il était déjà en si grande réputation en Sorbonne que le professeur, étant monté en chaire dans les écoles extérieures, dit à ses écoliers : Je ne vous ferai point de leçon parce qu’il vous sera plus utile d’aller entendre le bachelier qui fait sa Tentative ; je vous y invite tous et j’y vais moi-même. » Les grades, permettant de prétendre aux charges ecclésiastiques, étaient recherchés par les cadets de famille. Parmi les thèses dont le parchemin nous est resté, il en est un bon nombre qui portent des noms de grande noblesse. On aimait non seulement à reconnaître, mais à faire ressortir la qualité de cette sorte de candidats. Contrairement à la règle commune, ils parlaient les gants aux mains et le bonnet sur la tête. On les saluait de leur titre, qui était inscrit sur les lettres de réception[1]. Richelieu n’oublia jamais qu’il avait été autorisé à se présenter en rochet et en camail,

  1. « Je ne sais, dit Saint-Simon, où s’est prise l’origine du traitement si distingué que reçoivent en Sorbonne les princes et ceux qui en ont le rang pendant leur licence ; mais il est d’usage que, contrairement à la règle commune, le candidat garde ses gants aux mains et son bonnet sur la tête pendant toute l’action ; que ceux qui argumentent contre lui comme celui qui préside à la thèse le saluent de sérénissime prince ou d’altesse sérénissime, et que ce titre lui est donné dans ses lettres de doctorat. » (Mémoires, t. II, ch. vi.)