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L’ENSEIGNEMENT CHEZ LES INDIGÈNES MUSULMANS D’ALGÉRIE

tamen, à la fois ses adjoints et ses surveillants, qui représentent chacune des kharouba ou fractions du village. L’amin et les tamen forment donc le conseil exécutif de la minuscule république. Les autres fonctionnaires sont tous nommés par la djemàa. C’est d’abord l’oukil, chargé d’administrer les biens de la mosquée, si le village en possède une : on le choisit presque toujours dans le çof opposé à celui de l’amin. Puis vient l’imam ou marabout, chargé du culte et de l’instruction ; c’est le prêtre, l’instituteur, le lettré du village ; il fait office de secrétaire à la djemâa. Enfin, un crieur public est chargé de convoquer l’assemblée et de publier ses décisions.

De tous les fonctionnaires, c’est l’amin qui est le plus important ; il faut qu’il soit administrateur habile et intègre, brave guerrier et capable de mener au feu ses administrés, assez riche pour consacrer tout son temps aux affaires publiques et traiter les hôtes que Dieu envoie à la commune. Le choix pour un bon amin est donc restreint entre quelques familles : de là un élément aristocratique dans cette démocratie.

L’amin ne peut se maintenir qu’en soignant sa popularité, en se ménageant des sympathies dans le village et dans chacune de ses kharouba, en restant fidèle à son çof tout en se montrant à peu près juste pour le çof opposé. Il lui faut déployer autant de diplomatie, de souplesse et d’énergie qu’en exigerait le gouvernement d’un grand État.

Comme le village ne pourrait se défendre seul contre un ennemi puissant, il fait nécessairement partie d’une kbila ou confédération. La kbila est fondée principalement sur des rapports de voisinage et la communauté d’intérêts ; elle n’est pas la tribu (arch), car une confédération peut se composer de plusieurs tribus.

Les confédérations kabyles portent des noms comme Aïl-Iraten, Aït-Fraoucen, Aït-Yenni, qui, dans la pratique, sont employés concurremment avec ceux de Beni-Raten, Beni-Yenni, Beni-Fraoucen. Aït étant le mot kabyle et Beni le mot arabe pour exprimer l’idée de descendance ou de filiation, l’un et l’autre mot suppose qu’on se réclame d’un ancêtre commun, réel ou supposé, dont on se reconnaît les descendants.

Au reste, ni l’arch, ni la kbila n’ôtent rien de sa souveraineté au