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LA LÉGISLATION SCOLAIRE ET L’ÉDUCATION DE L’ESPRIT PUBLIC

absolument préservée par quelque grâce d’état ou de race des dangereux défauts que Matthew Arnold signale chez d’autres peuples. Quelque vaste et savamment construit que soit notre système d’instruction primaire, si élevés que soient les principes sociaux, moraux et pédagogiques sous la dictée desquels il a été rédigé, il faut dire de lui ce que Royer-Collard disait des constitutions : « qu’elles ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil ». Les meilleures institutions ne valent et ne durent que par l’esprit intérieur qui, après les avoir créées, les entretient, les rectifie, les renouvelle. Là où cet esprit manque ou s’affaiblit, le meilleur régime d’écoles n’est bientôt plus qu’une forme vide, un mécanisme sans vertu.

J’arrive maintenant à la dernière des questions que j’avais à traiter. Je suis persuadé que, si faible que soit le résultat obtenu jusqu’à présent dans l’enseignement scolaire proprement dit par la législation scolaire de la France[1], celui qui a été produit dans le caractère et dans l’esprit de la population n’a pas été sans importance.

J’aurai besoin de toute l’indulgence du lecteur en essayant d’exposer ce résultat important, mais quelque peu difficile à saisir. L’intelligence de la nation française est bien reconnue ; malgré de sérieux défauts, malgré une ignorance presque incroyable, cette intelligence la place tout à fait au premier rang des nations anciennes ou modernes. Elle est la source de la vertu la plus haute des Français (car leur bravoure est une vertu plutôt physique que morale), je veux dire d’une certaine équité d’esprit naturelle, qu’ils portent dans des questions où la plupart des autres nations se montrent intolérantes et fanatiques. Il me semble que cette intelligence ne doit pas être tout à fait particulière et innée au peuple français ; s’il en était ainsi, les classes élevées, ajoutant

  1. Il ne faut pas oublier que M. Matthew Arnold écrivait ces lignes sous le second Empire