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A midi et demi, l’arrivée du roi ayant été annoncée par un huissier, la lecture faite par Condorcet fut interrompue. Louis XVI, suivi de ses ministres, vint prendre place sur un fauteuil à la gauche du président, Dumouriez, ministre des affaires étrangères, lut au nom du roi un rapport concluant à la déclaration de guerre contre l’Autriche ; Louis XVI déclara qu’ayant épuisé tous les moyens de maintenir la paix, il venait proposer formellement la guerre ; après quoi, comme la constitution interdisait à l’Assemblée de délibérer en présence du roi, la séance fut levée.

Le soir même eut lieu une seconde séance, dans laquelle l’Assemblée vota, à l’unanimité moins sept voix, la déclaration de guerre, formulée dans un décret proposé par Gensonné au nom du Comité diplomatique, où on lisait :

« L’Assemblée nationale déclare que la nation française, fidèle aux principes consacrés par sa constitution de n’entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes et de n’employer jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple, ne prend les armes que pour la défense de sa liberté et de son indépendance ; que la guerre qu’elle est obligée de soutenir n’est point une guerre de nation à nation, mais la juste défense d’un peuple libre, contre l’injuste agression d’un roi. »

Le samedi matin 21 avril, l’Assemblée commence par charger son Comité d’instruction publique de lui présenter un projet d’adresse aux Français et à l’armée, au sujet de la déclaration de guerre votée la veille. Après quoi, elle donne la parole à Condorcet pour achever la lecture de son rapport. L’impression en est votée, la discussion ajournée, et l’Assemblée décrète en outre que le Comité d’instruction publique lui présentera un aperçu des dépenses qu’entraînerait l’exécution de son plan.

N’y a-t-il pas quelque chose de bien caractéristique dans ce trait inattendu du mandat belliqueux que l’impérieuse loi des circonstances fait donner, séance tenante, à ce Comité dont le rapporteur était monté à la tribune pour présenter l’œuvre pacifique de l’organisation des écoles nationales ?

Le dépôt du rapport de Condorcet n’eut pas, comme on est volontiers porté à se le figurer sur la foi de la légende qui représente l’Assemblée législative comme n’ayant rien su ni rien voulu faire, le caractère d’une simple lecture académique. Tout au contraire, l’Assemblée avait le ferme propos de légiférer d’urgence sur l’instruction publique ; le Comité ne cessa de ramener la question à l’ordre du jour avec une insistance que rien ne put décourager ; jusqu’au dernier moment, les législateurs se crurent assurés d’aboutir et en renouvelèrent le solennel engagement.