Page:Revue pédagogique, second semestre, 1888.djvu/505

Cette page n’a pas encore été corrigée
495
DISCOURS DE M. GRÉARD

<nowki/> rencontre, c’est la pauvreté, ce n’est pas le paupérisme. A la campagne, point de misère inconnue, innommée, point de ces affairements de la vie urbaine, de ces distances qui creusent l’abîme entre celui qui manque du nécessaire et celui qui jouit du superflu. La main secourable est proche et toute prête à se tendre, offrant, avec le secours, les moyens de relèvement. Et puis, la nature aussi est là avec ses grandes lois de renouvellement, bonne conseillère pour tous, qui rappelle aux uns les souffrances du chômage, et empêche les autres de s’aigrir dans le sentiment de leurs maux par l’espérance du travail renaissant avec les jours meilleurs ; n’est-il pas enfin jusqu’au soleil qui, dissipant ce que la langue vulgaire appelle d’un mot si expressif la misère noire, fait pénétrer dans les plus humbles chaumières son rayon de santé et de gaîté ? Cependant il est à la ville, comme à la campagne, des enfants, des malades, des infirmes ; et l’intérêt national, non moins que la charité, commande que l’assistance leur vienne en aide. Mais quel sera l’organe de cette assistance ? Est-ce l’État seul qui doit en assumer la charge ? ou dans quelle mesure peut— il y participer ? Il n’y a pas bien longtemps encore qu’une école plus généreuse qu’éclairée essayait de remettre en honneur ce principe, éclos aux premiers jours de la Constituante, dans des imaginations égarées par l’amour de l’humanité : « Tout homme a droit à la subsistance : l’État paie cette dette nationale. » La raison publique s’est détachée de ces chimères. La charité légale, a-t-on dit avec une haute sagesse, ouvre des sources de misère plus abondantes que celles qu’elle peut fermer. Non seulement, en énervant les ressorts du travail et des vertus qui s’y rattachent, elle n’arriverait qu’à appauvrir le pays, mais elle détruirait au fond des cours le germe des sentiments qui assurent la cohésion et font la force morale d’une nation. A l’individu, d’abord, de payer sa dette envers son semblable dans la mesure où il le peut ; à l’association de soutenir l’individu dont les efforts sont impuissants ; à la commune, au canton, au département d’exercer autour d’eux une sage et bienfaisante tutelle par les institutions de prévoyance, de secours et d’hygiène qu’il est en leur pouvoir de créer ou d’encourager, en laissant aux diverses assemblées qui les représentent la responsabi-