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UNE EXPÉRIENCE D’EXTERNAT

élèves de l’école et les professeurs de leurs élèves. Ils verraient au contraire qu’il en résulte entre eux tout un ordre de relations nouvelles ; ce n’est plus une affaire de classe, de programme, une question de devoirs à faire ou de leçons à apprendre, ce sont les conseils d’un homme mûr à un jeune homme, ce sont des services rendus à toute une famille, c’est une suite de bons offices, de marques d’intérêt, d’avertissements donnés en dehors de tout caractère officiel ; voilà ce qui touche ces jeunes gens bien autrement que n’aurait jamais pu le faire la meilleure discipline du meilleur internat.

On a plaisir à voir que ces jeunes gens se sont aguerris, qu’ils supportent aisément et gaiement les rudesses de l’existence matérielle. L’un d’eux écrit judicieusement au sujet de ces quatre allées et venues par jour par la pluie ou par les grosses chaleurs :

Tu trouves que nous ne devons pas être à l’aise du tout. Sans doute ; seulement souviens-toi qu’il n’y a pas de roses sans épines. Et puis, il faut bien s’habituer à tout dans la vie. Si on nous appelle sous les drapeaux (ce qui est très probable), nous supporterons un peu plus aisément les fatigues qu’on nous fera endurer, le froid et le chaud. En un mot, nous ferons de bons soldats. De plus, je peux répondre encore à ton objection par cette bonne raison : Lorsque les élèves étaient internes, il y en avait plusieurs qui, tous les ans, attrapaient les fièvres. Aujourd’hui c’est tout le contraire, à part bien entendu quelques exceptions qui tombent malades plutôt pour excès de travail que pour autre chose.(P.)

Un autre, après une foule de détails amusants et pittoresques, constate, ainsi que tous ses camarades, qu’avec les 50 francs par mois que donne l’État, on n’a que l’embarras du choix pour être admirablement logé, nourri, soigné, et il conclut :

Je suis toujours gai comme un pinson ; quatre autres de mes camarades avec lesquels je fais ménage ne contribuent qu’à me récréer. En rentrant de l’école comme autant de frères, nous prenons place à table l’un à côté de l’autre : l’on cause, l’on jase, tantôt sur les leçons du jour, tantôt ce sont les parents qui font le sujet de la conversation ; des fois nous faisons soit un procès, soit une louange au temps. Notre ménagère est toujours là comme une mère ; elle s’amuse avec nous, nous récrée surtout lorsqu’elle nous voit trop fatigués, nous régale les jours de fête. Bref, c’est la vie de famille pure et simple. Jamais je ne pourrai l’oublier. Nous sommes d’autant plus heureux que nous constatons qu’on nous traite déjà comme des