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à ma situation future. Mais ce contact, me diras-tu, peut offrir autant d’inconvénients que d’avantages. C’est mon avis aussi, et confirmé par l’expérience. Comme la volonté ferme et énergique m’a souvent fait défaut, bien des fois j’ai été sur le point de m’engager dans des voies peu louables. Mais, heureusement pour moi, des guides vigilants ont toujours su m’empêcher d’aller plus avant. Un directeur bienveillant, énergique et dévoué a toujours dirigé mes pas sur le chemin du devoir, en même temps que mes parents les dirigeaient sur celui de la vertu. Je dois avouer, à ma honte, que leurs leçons n’ont pas porté tous leurs fruits ; mais elles ont eu le bon résultat de me faire avoir une assez bonne conduite avec un certain goût pour le travail.

Les trois années que je viens de passer à l’école normale ne seront pas, sans doute, celles qui produiront la meilleure impression sur mon esprit. Des découragements, des défaillances, des moments de paresse et de mauvaise humeur y ont laissé des traces d’une certaine tristesse ; le travail exécuté pendant ce temps-là n’a pas été bien fécond et me rend peu satisfait de moi-même. Le surmenage dont j’ai peut— être été l’objet m’a empêché de goûter une grande partie des attraits de l’étude. Mais « quel miel jamais n’a laissé de dégoûts » ? À côté de ces souvenirs empreints d’une certaine tristesse, il y en a d’autres qui m’empêchent de trouver mon séjour malheureux. Ce temps passé en compagnie de nombreux camarades, de maîtres, sinon toujours aimables, au moins dévoués, sous la direction d’hommes dont je conserverai éternellement la mémoire, me laisse une assez bonne impression. Quelquefois même, le désir d’apprendre mon métier, de m’instruire, m’a procuré une certaine ardeur, une certaine énergie, qui, hélas ! étaient trop bonnes pour être durables.

En somme, comme tu peux en juger par ce que je viens de te dire, mon séjour à l’école a été tantôt doux, tantôt pénible ; l’utile n’a pas toujours été uni à l’agréable, mais, comme la vie est le plus souvent ainsi faite, je n’ai pas trop à me plaindre.(S.)

On est touché d’entendre presque tous ces jeunes gens exprimer avec un accent de sincérité pénétrant leur reconnaissance pour les amis, les parents, les maîtres, les bons conseillers qui ont veillé sur eux pendant cette période. Il est remarquable qu’ils paraissent savoir plus de gré encore à leur directeur et à ceux de leurs maîtres qui se sont occupés de leur vie au dehors pour cette tutelle affectueuse et toute morale que pour tous les services scolaires qu’on a pu leur rendre. Et comme on sent bien que c’est là que les maîtres trouvent le vrai secret de l’influence, le ressort par excellence de l’autorité morale ! On voudrait faire lire toutes ces lettres à ceux qui pensent que l’externat doit détacher les