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DE L’ÉDUCATION QUI CONVIENT AUX FEMMES
composition d’une élève de l’école de fontenay-aux-roses

Sujet donné pour la composition :

Apprécier le passage du discours de M. Croiset sur le rôle et l’esprit de la femme, et sur l’éducation qui lui convient.


[Dans un discours prononcé le 31 mars dernier à l’assemblée générale de la Société pour l’étude des questions d’enseignement secondaire[1], dont il venait d’être élu président, M. A. Croiset, appréciant les programmes actuellement en vigueur dans les lycées de jeunes filles, a tracé dans les termes suivants le tableau d’une éducation conforme à la nature et à la destinée de la femme :

« Le rôle de la femme n’a pas tant changé qu’on pourrait le croire depuis l’Économique de Xénophon, ni son esprit non plus. Elle a toujours besoin de santé, d’activité, d’ordre et de bon sens. Elle n’a pas à composer des livres ou des discours ; il lui suffit, dans l’ordre intellectuel, de savoir lire et causer. Et son esprit aussi est toujours vif, souple, délié, mais plus ordonné et pratique que spéculatif et créateur ; plus capable d’assimilation que d’invention. Elle apprend le piano dès l’enfance, et compose rarement une œuvre originale ; elle étudie le dessin, et ne devient que par exception un artiste qui compte. Elle manque souvent d’esprit géométrique ; mais elle a l’esprit de finesse. Elle ne sait pas découvrir ni démontrer méthodiquement la vérité, mais elle la devine et l’insinue. Pourquoi donc, dans nos lycées, vouloir traiter les filles en garçons ? Pourquoi leur charger la mémoire de mille détails qu’un bon dictionnaire leur fournira toujours à moins de frais ? Pourquoi les préparer par de savants exercices à des efforts intellectuels que la vie réelle ne leur demandera pas ? La classe idéale, à mon sens, serait celle qui ressemblerait le plus à la conversation d’une famille intelligente. On leur lirait de belles choses pour leur faire plaisir, pour leur donner insensiblement le goût des nobles idées bien exprimées, pour leur apprendre peu à peu à distinguer pratiquement le bon du mauvais, le délicat du vulgaire, l’exquis du banal. Je voudrais peu de classes, peu d’exercices écrits, mais d’excellents professeurs, et plutôt des hommes que des femmes, parce qu’il faut savoir beaucoup pour enseigner peu de chose en perfection. Quand il s’agit des lycées de garçons, je me méfie des procédés d’enseignement qui ont la prétention de supprimer l’effort personnel ; mais si l’enseignement agréable est quelque part légitime, n’est-ce pas quand il s’agit de former une intelligence de jeune fille ? Cicéron dit quelque part qu’à la lecture des bons écrivains l’esprit se pénètre de leur influence comme le visage se hâle quand on sort au soleil. C’est justement là l’espèce d’instruction que je souhaite aux jeunes filles : une sorte de grand air intellectuel qui les fortifie et les hâle presque à leur insu, une bonne promenade sur les hauteurs de la saine littérature qui

  1. Ce discours a été reproduit par le journal l’Université dans son numéro du 10 avril 1888.