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LA PRESSE ET LES LIVRES


Un village français en Allemagne — Il existe dans l’ancien duché de Nassau, devenu aujourd’hui une province prussienne, un village d’environ 1,500 habitants, Friedrichsdorf, où le voyageur étonné entend la population presque tout entière s’exprimer en langue française. Ce village a été fondé dans les montagnes du Taunus par des huguenots que la révocation de l’édit de Nantes avait chassés de France, et qui furent accueillis avec bienveillance sur les terres du landgrave de Hesse-Hombourg. En juin dernier, Friedrichsdorf a célébré par une fête le deuxième jubilé séculaire de la construction de son église ; et nous trouvons à cette occasion dans le Progrès religieux de Strasbourg, sous la signature de M. Paul Sabatier, un article dont nous extrayons quelques détails intéressants.

« Rien de plus admirable, dit M. Sabatier, que le chemin sous bois qui conduit de Hombourg à Frisdrichsdorf… Mais voilà, à quelques pas des derniers arbres de la forêt, l’entrée de la ville ou plutôt du village, car, malgré les lettres patentes qui accordent à Friedrichsdorf les droits et prérogatives d’une ville, cette colonie n’est vraiment qu’un grand village, Mais il y a village et village ; celui de Friedrichsdorf a je ne sais quel air d’aisance, de simplicité pittoresque qui le distingue complètement des bourgs des environs. Deux choses semblent tout à fait inconnues ici, la misère et le luxe. Rien qu’à voir les maisons d’apparence modeste, mais où le jour entre abondamment, et qui ont presque toutes un jardin, ou à rencontrer ces groupes d’enfants bien tenus qui vous regardent d’un air curieux et aimable tout à la fois, on se sent dans un pays particulier, dans une terre d’élection, comme ils aiment à le dire, dans un français où les expressions et les tournures bibliques jouent un grand rôle.

» Ils parlent français, en effet, et un français très pur, très correct ; ils ont moins d’expressions vieillies que la plupart des provinces ; ils le doivent surtout à leurs instituteurs, qui sont des hommes vraiment supérieurs et font des efforts persévérants pour le maintien de la langue. La colonie jouit du reste à cet égard comme à tous les autres de la protection du gouvernement. L’impératrice a toujours témoigné à la communauté française du Taunus une bienveillance toute particulière. À l’école maternelle on ne parle que français, et dans les autres écoles il y a un nombre égal de leçons dans les deux langues. »

Le caractère des fêtes du jubilé a été avant tout religieux, comme il était naturel. Un grand nombre d’invités ont assisté aux diverses cérémonies : il en était venu de très loin, non seulement d’Alsace,