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REVUE PÉDAGOGIQUE

cédait à l’attendrissement. C’est depuis l’enseignement public, à dater des luttes du Collège de France, qu’il se maîtrisa et se concentra avec une puissance extraordinaire ; ainsi s’amasse la source profonde qui alimente l’apostolat. La dure expérience des hommes, tant d’amis avec qui il fallut rompre, contribuèrent au maintien réservé qu’il s’imposa ; il s’habitua à contenir ses sentiments.

En parlant de sa jeunesse, il disait un mot plaisant : « J’étais absorbé par la fureur ! » Plus tard il est absorbé par la méditation.

« La jeunesse est une sorte de pâmoison, disait-il encore. J’ai vécu ainsi jusqu’en 1839. »

 

On s’est demandé souvent comment Edgar Quinet n’a jamais occupé une place au pouvoir. C’est que son nom était tout un programme politique, un programme dont certains principes sur l’enseignement laïque, sur la question religieuse, eussent effrayé bien des timides.

Sa modestie aussi était un obstacle, elle lui a nui beaucoup plus que ses ennemis.

Demeurer courageux en face de l’ennemi est bien plus facile que de tenir tête aux amis et de déplaire aux siens en soutenant une opinion différente de celle qui a chance de triompher. Qui a le courage de risquer même sa popularité pour rester fidèle à la justice ? Il est doux de vivre en paix avec toutes les nuances du parti auquel on appartient.

Sans s’inquiéter des succès personnels, il s’oubliait entièrement pour ne songer qu’à la France dont il voulait faire l’idéal des nations. Un temps viendra où la parole du maître, si écoutée, si acclamée pendant trente ans, électrisera de nouveau les jeunes générations. Si la France a devant elle un grand avenir, c’est celui qu’il a tracé dans son œuvre.

Pour moi, il ne me suffit pas d’être heureuse et fière de cette haute vertu, de cette âme restée héroïque et jeune jusqu’à sa dernière heure, je voudrais que notre Patrie bien-aimée recueillit le fruit de tant d’efforts, de tant d’amour.