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EDGAR QUINET ET SON ŒUVRE

» Suivre d’instinct la loi de la respiration, un souffle aisé, nature, ni trop saccadé, ni trop haletant, ni trop lent.

» Proportionner la phrase à la respiration, la couper, si elle est trop longue.

» L’unique moyen de se corriger, — il n’y en a pas deux, — c’est de se recopier plusieurs fois, de refaire plusieurs éditions de son manuscrit. Récrire ce qui est écrit. »

Toujours à propos de style et de correction, il ajoute :

« Jusqu’en 1836, j’ai écrit le français d’instinct. Mon séjour d’Allemagne en 1827 et 1828 m’avait bien gâté la langue. Oui, comme La Fontaine en parlant de Dubartas, je pouvais dire : « Ils ont failli me gâter ! »

» Le voyage en Grèce a coupé court à ce français confus et germanisé. Mais ce n’était pas assez. Depuis 1836 je me suis sérieusement occupé à perfectionner ma langue par l’étude de la grammaire, des grands écrivains du xviie siècle et de Voltaire surtout, que je n’avais pas encore lus à ce point de vue. Dès ce moment j’étais sauvé. Il y a une grande jouissance à faire une chose aussi bien, d’un fini aussi achevé qu’il est en notre pouvoir. Thucydide a pour précepte que, en histoire, il faut dire les choses d’une manière nouvelle et avec une précision rigoureuse. Je crois avoir fait cela. »

Toute lecture éveillait en lui des pensées de haute critique et lui suggérait les aperçus les plus neufs sur tous les objets qui s’offraient à son esprit ; il remplaçait par des points de vue nouveaux les notions admises jusque-là et usées par la routine ; une source pleine de fraîcheur vivifiait les terrains épuisés par les fleurs de rhétorique.

Ce qui distingue Edgar Quinet de tant d’autres écrivains illustres, c’est que tous se font un devoir de surcharger d’ornements leur pensée, et de donner un éclat uniforme à chaque partie de leur œuvre ; quel que soit le sujet, ils le traitent de la même façon. Edgar Quinet, loin de chercher à enjoliver sa pensée, lui garde sa simplicité. Dans l’Histoire de la Campagne de 1815 et dans la Révolution, il dépouille son style de tout artifice et laisse aux idées la noblesse, la majesté de la vérité.

 

Dans sa jeunesse il était très expansif, parlait avec abandon,