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REVUE PÉDAGOGIQUE

moyen de refaire la société ? Et, de là, l’intérêt ou plutôt la passion, l’infatigable passion que lui ont inspirée les problèmes en apparence si modestes de l’éducation. De là ses études sans cesse renouvelées sur les perfectionnements dont peut s’enrichir notre système pédagogique, depuis l’humble école maternelle jusqu’aux enseignements les plus savants de la Sorbonne. Il n’est pas un de ces perfectionnements qui ne cache, sous l’apparence d’une modification de programmes, toute une théorie morale et philosophique : un « pédagogue », s’il faut employer ce gros mot, un « éducateur », si l’on veut se résigner à parler français, c’est un moraliste, c’est un philosophe qui garde pour lui toute la partie abstraite, tous les principes purement théoriques de sa science, tout l’appareil scolastique enfin, et qui ne nous en montre que les applications lumineuses à la société, à la famille, à l’école.

Et quand cet éducateur, au lieu d’être un théoricien de cabinet, est, par surcroît, comme celui qui entre aujourd’hui à l’Académie, un maître dans l’art de connaître l’homme et les hommes, quand il puise ses préceptes non dans une doctrine d’école, si excellente qu’elle soit, mais aux sources mêmes de la nature vraie et de la société réelle, quand il a en vue non pas le type abstrait de « l’enfant en soi » et de « l’homme en soi », mais l’enfant français et l’homme français tel qu’on le trouve dans nos familles un siècle après 89, en pleine ère de démocratie et de suffrage universel, de liberté de conscience et de liberté de pensée ; quand il s’applique, par de longues années d’observation, et quand il réussit même à remettre les rouages du vieil appareil universitaire en harmonie avec tant de besoins nouveaux, faut-il s’étonner que de bons juges s’aperçoivent sans peine qu’un tel homme fait, depuis longtemps, à sa manière, de la morale, de la philosophie, de la politique, et de la meilleure ?

Par un rare bonheur, cette pensée — originale à force d’être simple, saisissante à force de justesse profonde et de bon sens — se traduit dans une langue qui lui ressemble. Le penseur est doublé d’un véritable, d’un grand écrivain. Il l’est d’abord parce qu’il n’a jamais écrit pour écrire. Au début de sa carrière, il publie une thèse de doctorat qui se trouve être un fort beau