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L’ÉLECTION DE M. GRÉARD
À L’ACADÉMIE FRANÇAISE


Le nouvel académicien n’est ni un poète, ni un romancier, ni un auteur dramatique, ni un homme politique, ni un homme de lettres, et pourtant sa place était depuis longtemps marquée à l’Académie française. Il n’y a peut-être pas un autre nom contemporain qui fût d’avance par l’opinion commune plus unanimement désigné.

M. Gréard est, sans contredit, l’homme qui personnifie le plus complètement une de nos traditions et de nos gloires nationales : l’instruction publique. Sa vie entière y a été consacrée ; il en a, comme pas un autre, connu tous les degrés par une expérience directe et approfondie ; il en a traversé toutes les principales fonctions ; il en a suivi, dirigé ou, ce qui est plus encore, inspiré depuis quinze ans les transformations essentielles.

Supposez qu’il fallût, un jour, que chaque nation choisît un nom, un seul, pour représenter aux yeux du monde ses institutions scolaires, pour incarner l’esprit même de l’éducation nationale ; ce nom-là, pour la France, ne pourrait être que celui de M. Gréard.

Et pourtant ce n’est pas le vice-recteur de l’académie de Paris, le premier personnage de l’Université, que l’Académie française appelle dans son sein, comme l’Académie des sciences morales se l’était précédemment agrégé.

L’élu du 18 novembre, ce n’est pas le fonctionnaire, l’administrateur, c’est l’homme.

Et, dans l’homme, c’est à la fois un penseur et un écrivain, l’un et l’autre également dignes de l’Académie.

Le penseur : en ce temps où tous se flattent d’entendre quelque chose à la question sociale, M. Gréard est à la tête de ceux qui croient que la question sociale est, avant tout, une question morale, parce que c’est la question de l’homme même. Refaire l’homme, n’est-ce pas encore le plus sûr et le plus court