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REVUE PÉDAGOGIQUE

écoliers, et qu’on les habitue à la lire d’un bout à l’autre, sans souci des inconvénients que peut avoir un tel procédé ; il bannit le français de l’enseignement comme n’étant pas une « langue pédagogique » ; il traite avec un certain mépris l’école primaire qu’il semble vouloir : abandonner aux pauvres, réservant aux enfants de la bourgeoisie une éducation privée ; il ne veut pas que l’enseignement ait un « caractère populaire », mais soit constamment « scientifique », c’est-à-dire évidemment au-dessus de la portée des élèves ; il a imaginé ce qu’il appelle la « méthode de concentration », qui consiste à grouper toutes les matières d’une année autour d’un thème unique, tel que Robinson Crusoé, ou l’Histoire des Patriarches, des Apôtres, des Réformateurs, etc. Toutes ces bizarreries, et d’autres encore, prêtent singulièrement à la critique, et M. Wesendonck a beau jeu. Il démontre facilement que les docteurs de la « pédagogie scientifique » ne sont pas infaillibles. À ne considérer que le redoutable amas des gros volumes et des innombrables articles qu’ils publient, on pourrait s’imaginer qu’il y a là toute la sagesse du monde ; à y voir de plus près, on s’aperçoit qu’ils peuvent souvent se résumer en ces deux mots : « Beaucoup de bruit pour peu de chose ».

Les enfants faibles d’esprit. — Il y a bien des degrés dans l’intelligence des enfants ; à côté de la grande masse de ceux dont l’intelligence est ordinaire, il s’en trouve quelques-uns qui sont doués exceptionnellement, ceux-là ont aujourd’hui mille moyens de se tirer d’affaire ; ils ne risquent plus d’être condamnés à l’ignorance et à l’impuissance ; les ressources de toute nature pour leur instruction et leur développement vont pour ainsi dire au devant d’eux. Mais il en est aussi dont les facultés sont au-dessous de l’ordinaire, qui ont été victimes d’une triste hérédité, ou de quelque accident qui a influé soit avant, soit après leur naissance, sur la constitution de leur cerveau. Les uns sont tout à fait déprimés ; ils ne sont pas faits pour : l’école ; il y a des établissements destinés à les recevoir ; d’autres n’en sont pas là, mais, chez eux, l’intelligence est obtuse, la volonté est presque nulle. Que faire d’eux ? Telle est la question que débattent des correspondants du Pœdagogium. Faut-il les mettre à l’école commune ? On signale trois inconvénients. Le premier pour eux : ils ne peuvent suivre la marche de la classe : ils restent en retard au point de ne profiter d’aucune leçon ; ils sont l’objet des moqueries et des brutalités ; ils s’ahurissent encore plus à ce régime. Le second pour leurs camarades : ceux-ci sont retardés si l’on veut attendre que les plus faibles comprennent ; en tout cas, ils sont exposés à la tentation de maltraiter et de bafouer de pauvres êtres qui leur servent de risée. Le troisième pour les maîtres, qui seront toujours ballottés entre le devoir de s’occuper des retardataires et le désir bien naturel de passer outre.

M. H. Kielhorn, professeur à Brunswick, raconte ce qui se passe