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RAPPORT SUR L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN ALGÉRIE

me de la langue arabe, reçoivent un traitement de 3,000 francs avec augmentation annuelle de 100 francs, auquel viennent s’ajouter divers avantages. Ce sont les pionniers de la civilisation française. Ils sont peu nombreux et n’avancent pas vite. Comment, par quels moyens, pourrait-on les distancer et franciser l’Algérie à la vapeur ? Nous devons nous poser la question telle qu’on la pose, à grand bruit, dans la presse et dans les conférences. Les uns réclament l’obligation ; mais l’obligation, qui est de droit commun, n’a pu être introduite dans le décret de 1883 qu’avec des restrictions (art. 15 et 34) qui en suspendent l’application ; il a bien fallu la subordonner à l’ouverture des locaux scolaires ; d’ailleurs, les commissions n’existent pas partout, mème pour les Européens, et ne fonctionnent guère là où elles existent. D’autres voient avec indignation le petit nombre des instituteurs capables d’enseigner dans les écoles arabes ; et en effet, la création de ce personnel mixte, instituteurs français sachant un peu d’arabe, adjoints ou moniteurs indigènes parlant le français, n’est encore qu’au début et demandera un certain temps pour se développer. Aussi l’impatience s’’est-elle emparée de tel publiciste qui, de Paris ou d’Alger, propose sérieusement de créer mille écoles en un jour, de les installer dans des gourbis et de leur donner pour maîtres soit des condamnés militaires, soit « des indigènes musulmans élevés dans nos écoles communales ou dans nos lycées » et qui n’auraient pu trouver d’autre emploi. L’auteur de ce dernier projet ajoute : « avec un million par an, on paiera les mille instituteurs improvisés[1] ».

Avec beaucoup moins d’un million par an, on pourra fonder et soutenir plusieurs écoles non pas improvisées, mais durables, et pénétrer lentement, sûrement dans le désert, au lieu de l’envahir avec impétuosité. C’est le but où tend l’administration de l’instruction publique ; c’est là-ce qu’’indique le bon sens. Et quant au choix des instituteurs, il est digne de remarque que les indigènes se montrent exigeants pour ceux qu’on leur envoie. « Deux des nouvelles écoles ont dû être fermées ;

  1. M. Francisque Sarcey, à propos d’une brochure : De la vulgarisation de la langue française chez les Arabes, par un chef de bureau arabe de la division d’Alger.