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RAPPORT SUR L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN ALGÉRIE

elle a même occupé nos assemblées nationales, et l’on peut dire que l’administration et le gouvernement l’ont toujours regardée comme une question réservée et comme une sorte de cas de conscience. En principe, la France doit l’instruction à ce groupe de 2,750,000 indigènes qui à défaut de droits positifs se réclament de l’humanité et de la protection de notre souveraineté. Dans la pratique, la question se complique de difficultés matérielles, d’oppositions de races, de.préjugés sociaux et religieux, enfin, pourquoi le taire ? de la prévention instinctive du colon contre l’indigène dont il craint les révoltes, avec qui il ne peut lier aucun commerce sûr. Si la puissance publique n’intervenait, il est probable qu’on lui fermerait les écoles communes et très certain qu’on ne se mettrait pas en dépense pour lui en ouvrir de spéciales. Cependant l’intérêt même et l’égoïsme bien entendu conseillent de relever par la communication de la langue et des idées françaises, de racheter par le progrès matériel et moral cette population déchue qui vit et vivra forcément au sein de la colonie, qui réagira sur elle par ses vices et son inertie si nous ne parvenons à la transformer dans une certaine mesure, à la rendre utile et productrice en sous-œuvre. D’ailleurs, ces peuples si divers d’origine, de langues et de coutumes, ne sont pas également réfractaires à la civilisation : ils ont jadis subi l’influence de la paix romaine. Ou sait que les Kabyles, sur lesquels il faut surtout compter pour le succès de celte rénovation de l’Afrique occidentale, ont évolué d’eux-mêmes vers un état social relativement avancé, tandis que l’Arabe, un moment civilisé, retournait à la barbarie primitive. [l faut admettre aussi que le Maure, habitant des villes, peut-être de souche européenne, n’est pas incapable d’éducation. Donc, le problème n’est pas insoluble, donc le progrès est possible autant que nécessaire ; mais ce serait une illusion que de s’en remettre aux forces coloniales du soin de le procurer ; il ne peut venir que d’une influence supérieure, celle de l’État. La France, pour cette entreprise, doit avoir un plan, une méthode, une volonté suivie, que la colonie exécutera.

Cette volonté supérieure est formulée dans le décret du 13 février 1883, dont les dispositions sagement et progressivement appliquées peuvent, avec le temps, amener une sorte de