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REVUE PÉDAGOGIQUE

Fort-National, 21 mars.

Après cette très intéressante visite à Thadderth-cu-fella, nous remontons déjeuner chez l’administrateur. Puis nous faisons le tour de la ville ; à moins d’un kilomètre se voient les ruines noircies d’une école d’arts et métiers fondée par le général Hanoteau et qui prospérait avant l’insurrection de 1871, mais qui, brùlée par les Kabyles, a été transportée à Dellis. Le terrain a depuis été cédé en échange à M. de Lavigerie, archevêque d’Alger, Tunis et Carthage, qui jusqu’à présent n’en a rien fait. L’administration universitaire pourrait peut-être racheter ce terrain et y établir une école supérieure ou une école professionnelle. Le recteur, dont le zèle éclairé est toujours à l’affût des occasions propres à favoriser les intérêts scolaires, propose d’aller voir le maire de la commune européenne de Fort-National (lequel est le boucher de l’endroit), et de l’entretenir immédiatement de ce projet. Le maire ne demanderait pas mieux que de s’y prêter, mais il ne veut pas engager les fonds de sa commune. L’aimable M. Demonque s’offre à faire les premiers frais sur les fonds de la commune mixte si le projet est mis à exécution. Je connais trop bien le recteur pour craindre que le projet tarde à être établi et reste longtemps dans les cartons de l’académie.

L’après-midi passe vite. Nous entrons au Cercle des officiers et saluons le commandant supérieur de Fort-National, qui est le commandant du bataillon de zouaves en garnison dans la citadelle. Puis à notre tour nous invitons à notre table de l’Hôtel des Touristes M. et Mme Demonque et leur famille, l’administrateur-adjoint, le stagiaire, l’aimable docteur Pons. La causerie se prolonge, vive, animée, toujours intéressante pour nous qui avons tout à apprendre. Il est encore minuit quand nous nous couchons.

Le lendemain, lundi 22, levé de bonne heure, je vais me promener du côté de l’esplanade. Une surprise m’y attendait : le temps, couvert la veille, s’est levé, l’horizon élargi : c’est une révélation soudaine, le plus magnifique lever de rideau ; tout près, devant moi, le Lella-Khredidja à 2,318 mètres, le Ras-Timedouine à 2,300 mètres, le Tamgout des Beni-Mansour à 2,000 mètres, toute la chaîne du Djurdjura étincelle au soleil sous la neige immaculée de ses hauts sommets : à leur pied s’étagent des pentes profondes, abruptes, mais verdoyantes et bien cultivées ; les jardins s’accrochent au bord des précipices. À droite, des pitons plus sombres sont couronnés de groupes de maisons serrées formant autant de Kkarouba ou sections de thadderth. Je rentre chercher mes compagnons pour les faire jouir du magnifique tableau des montagnes, de ces sommets neigeux illuminés de teintes roses : tous sont comme moi émerveillés,.

    (À suivre.)
A. Pressard.