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EN ALGÉRIE

plus tard qu’une dot à recevoir. M. Demonque, l’administrateur de Fort-National, dans le ressort de qui est Tizi-Rached, nous attendait. Nous mettons pied à terre sur une grande place qu’ombragent de magnifiques oliviers, les plus beaux que j’aie encore vus. Tizi-Rached est un hameau ou toufik des Ait-Akerma, fraction de la puissante tribu des Beni-Raten. L’amin, l’oukil, le garde-champêtre nous reçoivent avec les membres de la djemâa et l’instituteur. Si-l’Hassen nous présente son frère, un beau jeune homme. Des cavaliers spahis assis à l’ombre s’étaient levés à notre arrivée et s’occupent de nos montures ; les leurs paissaient là tranquilles, les nôtres les rejoignent et on leur apporte une provende abondante de paille d’orge : c’est l’alef.

Quant à nous, nous allons prendre part à une diffa nouvelle. Il est près de midi : la table est préparée chez l’instituteur, sur une large terrasse couverte, mais dont les côtés à jour nous laissent jouir de la vue de la campagne : il nous est agréable de manger au grand air. La course du matin a aiguisé les appétits, mais il faudrait des estomacs de rechange pour suffire au déjeuner de l’instituteur, à la diffa du président, à celle de l’amin : le défilé recommence, de la cherba à la merga et au kouskous ; il y a en plus cette fois un ragoût de mouton et de fruits secs avec une sauce abondante fortement assaisonnée de poivre rouge, le tout « assez agréable, et une galette, kesra, de pâte sans levain, de bon goût, mais lourde, qui remplace le pain. Le café est bu, c’est fini ? pas du tout ; voici venir le thé, que nous offre à son tour l’amin jaloux de ses prérogatives. Mais est-ce bien du thé, cette infusion de je sais quelle plante odorante avec force clous de girofle ? Il faut cependant le boire, sous peine de faire une grave injure à un hôte subalterne devant son chef.

Enfin c’est fini : une promenade au grand air est nécessaire pour faciliter aux estomacs surmenés par une si rude épreuve la lourde tâche qu’ils doivent accomplir. On se promène donc dans le pays, puis commence l’inspection de l’école.

Elle est construite sur le même modèle que celle de Djemâa-Sah’aridj et aussi mal, car elle ne date non plus que de trois ans et est encore plus délabrée. C’est l’État qui a la charge de ces réparations ; mais elles sont difficiles en ces villages éloignés, d’accès pénible, et la main-d’œuvre coûte très cher, car il faut faire venir de loin des ouvriers européens et les matériaux. Cependant il est urgent de réparer des dommages qui s’aggraveraient : l’aimable administrateur promet de se charger du plus pressé,

M. M., l’instituteur, ne dirige cette école que depuis six mois : il est Algérien, de Birmandreïs, ainsi que MM. Scheer et G., et comme eux élève de l’école normale de Mustapha[1]. Le mobilier scolaire

  1. L’école normale d’Alger est située à Mustapha supérieur, petite ville qui s’est élevée en dehors des remparts d’Alger.