Page:Revue pédagogique, second semestre, 1886.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée
125
EN ALGÉRIE

Ce m’est une occasion de décrire une maison kabyle : je parlerai en général, mais la demeure du cheik Mohand est relativement cossue et tout s’y trouve ou à peu près : j’en passe curieusementla revue. Le sol est en terre battue, le mobilier et la vaisselle très sommaires : quelques va : es, le keskes où cuit le kouskous sur les pierres qui servent de foyer au milieu de la chambre : le metreud, plat en bois pour servir à manger aux hôtes ; quelques jarres (asagoum amokhrane) pour conserver l’huile ; le djeloud ou aoka, peau de bouc pour le beurre ou le miel ; le meradjen, vase à anses de cuivre étamé pour boire l’eau, le halib ou lait doux et le leben ou lait aigre. 1 n’y a pas de lits ; seulement de longs tapis (el ferrache) à laine sortante, teinis en garance, uù les indigènes se couchent et dorment au coucher du soleil. Dans une chambre latérale qui, me dit M. Scheer, servit autrefois d’école et de djemâ (lieu de réunion pour le conseil municipal), d’autres tapis (tague-hamboul), teints en kermès (ce sont ces tapis que l’on tend de haut en bas pour établir des séparations dans une pièce) ; quelques coffres ou des couffins pour serrer les vêtements de laine ; peut-être y a-t-il aussi des kerrabiche, coussins de peau d’antilope servant à envelopper le linge, et à s’appuyer quand ou est assis ou couché, et aussi un ou deux gherara ou sacs de laine pour serrer les bijoux, la poudre, l’argent que le maître met souvent sous sa tête pour le micux garder quand tout le monde dort chez lui.

Le dîner est un nouveau festin de Gargantua que j’appréhende un peu : mais tout le monde est en belle humeur, on plaisante, on rit de tout cœur, et le rire est favorable à la digestion. On se couche à minuit ; chacun avouait le lendemain que depuis longtemps il n’avait passé une soirée aussi gaie. Je couche dans la même chambre que l’inspecteur d’académie, et il en est de même, à notre commune satisfaction, durant tout le voyage. Chaque soir avant de dormir nous échangeons nos impressions : nous avons passé là de bonnes heures qui resteront parmi mes meilleurs souvenirs ; jovial, toujours affable, je n’oublierai jamais mon compagnon de chambre, s.n bon rire sous ses épaisses moustaches et ses yeux pétillant de gaieté derrière ses lunettes.

Tizi-Rached, 20 mars.

Le lendemain, à 8 heures, nous nous mettions en route pour Tizi-Rached. M. G., qui a congé, nous accompagne. Les mulets ont le trot dur, le bât kabyle ou berda est très large, il oblige à un écart de jambes fatigant pour qui n’en a pas l’habitude. Je ne suis plus, je l’avoue, qu un cavalier médiocre, et le mulet d’ailleurs m’est absolument inconnu : cependant j’ai confiance. Mes compagnons sont habiles ; dans les Pyrénées, dans les Alpes ou en Corse ils ont fuit à dos de mulet de longues excursions.

En avant de Mékla nous nous séparons du président de Djemâa--