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EN ALGÉRIE

Quand ceux-ci ont dû quitter leur établissement en 1881, les missionnaires d’Afrique ou Pères blancs les ont remplacés, mais ne paraissent pas avoir hérité de la même popularité ni de la même science pédagogique : leur école est aujourd’hui réduite à une vingtaine d’élèves dans une sorte de pensionnat, qui rend des services. Quoi qu’il en soit, la direction que M. et Mme G. ont su imprimer à leurs élèves est excellente, et nous ne faisons que leur rendre justice en constatant que nous n’avons pas trouvé dans leur école d’élèves absolument nuls, suivant la classe sans entrain et sans goût. Aussi le recteur accorde-t-il pour le lendemain un jour de congé, qui est accueilli avec le même plaisir qu’en France. Nous distribuons comme récompenses de menus objets utiles ou amusants dont nous nous sommes munis, couteaux, canifs, plumiers, porte-plumes, porte-crayons, pistolets à amorce ou à bouchon, toupies, billes, sifflets, flûtes en fer-blanc, mirlitons, toutes choses accueillies avec enthousiasme.

J’insisterai sur les mérites particuliers de Mme G. ; cette institutrice a su gagner la confiance des mères kabyles, dont elle parle bien la langue, les initiant aux travaux de femme, couture, raccommodage, lavage, repassage, tenue du ménage, cuisine, voire même à quelques principes de médecine et d’hygiène usuelles fort appréciés des indigènes. Un enfant kabyle était malade ; M. G. va le voir et le trouve assez souffrant pour dire à la mère : « Je vais écrire au médecin de venir voir ton enfant. — Pourquoi, lui répond-on ; est-ce que ta femme n’est pas un bon médecin ? » Aussi Mme G. est-elle partout estimée, aimée, recherchée pour le bien qu’elle fait autour d’elle. Ces menus faits et bien d’autres que nous avons recueillis font apprécier nos instituteurs et finiront à la longue par servir grandement notre influence dans le pays. C’est ici surtout que les maîtres d’école sont les pionniers avancés de la civilisation.

Nous avons fait ensuite une visite au village indigène, situé à un kilomètre de l’école et caché au milieu d’oliviers centenaires. Djemâa-Sah’aridj — l’ancienne Bida Colonia des Romains, dit M. Mac-Carthy, le savant géographe et bibliothécaire d’Alger[1], — présente un curieux aspect. Ce qui frappe surtout quand on y entre, ce sont les débris antiques qui partout jonchent le sol, des murs à fleur de terre, restes visibles et assez bien conservés de l’occupation romaine et qui ne paraissent pas avoir jamais été profondément fouillés ; peut-être y trouverait-on des choses intéressantes. Deux ou trois fontaines fournissent de l’eau en abondance : un large bassin, qui a donné son nom au village, est fermé par de gros blocs de pierres taillées ; quelques autres tout semblables soutiennent les murs des

  1. Je saisis avec empressement cette occasion de remercier M. Mac-Carthy de l’amabilité avec laquelle il a mis à ma disposition des livres utiles et sa science profonde de l’Algérie.