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REVUE PÉDAGOGIQUE

que tous nos instituteurs d’Algérie fussent, comme lui, habiles en jardinage. M. et Mme P. ont deux enfants, dont un fils instituteur à Orléansville, qui sera en qualité d’adjoint réuni à son père, quand celui-ci sera nommé directeur, et il le sera sous peu, à Dra-el-Mizan. C’est là une mesure très louable qui conserve l’union des familles et évite les désaccords entre le directeur et l’adjoint : l’excellent recteur la prend chaque fois qu’il en trouve l’occasion. Le successeur désigné de M. P. est sorti de Grignon. L’école de Djemâa-Sah’aridj a de plus un moniteur indigène, Si-Ali-ou-el-Djoudi, d’origine maraboutique[1].

Les petits Kabyles paraissent heureux de notre visite, ils nous répondent avec aisance : nous sommes aussi surpris que satisfaits. Ils lisent et écrivent le français très correctement ; leurs progrès en calcul sont particulièrement remarquables ; la géographie de l’Algérie, même de la France, est assez bien sue ; l’histoire l’est un peu moins, mais suffisamment. L’adjoint Ali est intelligent, il parle bien notre langue ; sa classe est bien tenue, la lecture bonne, un peu traînante ; quelques-uns ont une tendance à chantonner, mais on voit au ton des plus anciens de l’école qu’ils se corrigent vite de ce défaut. Ils n’ont aucun accent ; c’est là un fait général que nous observons aussi chez les hommes : dès qu’ils savent dire quelques mots dans notre langue, Arabes et Kabyles la parlent très nettement, sans rien qui rappelle l’accent de nos diverses provinces du Midi ou du Nord. Je n’entrerai pas dans de plus grand détails : je citerai cependant un petit enfant de neuf ans qui a écrit sans hésiter les nombres 4045 et 20045.

Après l’inspection des classes où nous avons constaté ces excellents résultats, qui sont de bon augure pour l’avenir, nous passons au jardin, situé devant l’école et où nous assistons à de menus travaux d’arboriculture. M. P. a su apprendre à ses élèves l’art de greffer : c’est à qui montrera son talent ; quelques-uns font devant nous des greffes avec une sûreté qui montre combien ils aiment ces travaux qui n’intéressent pas moins leurs pères. Dans quelques années il sera possible d’acclimater un grand nombre de nos arbres fruitiers dans ces contrées montagneuses, dont le climat se rapproche plus du nôtre que celui des plaines et des hauts plateaux ; on voit déjà des poiriers, des pommiers d’une belle venue : les pêchers, les abricotiers prospèrent dans les lieux abrités des vents du nord.

Ces divers résultats font le plus grand honneur aux maîtres qui les ont obtenus. Je sais bien que cette école a recruté un certain nombre d’élèves de la maison que les Pères Jésuites avaient les premiers élevée dès 1873 à quelque distance de Djemäa-Sah’aridj.

  1. Les marabouts sont des religieux indépendants, sans attache officielle, n’appartenant à aucune congrégation : c’est la seconde catégorie de l’élément religieux algérien. Le clergé officiel comprend les muftis et les imans. Les membres des congrégations sont les khouan ou frères : ils nous sont généralement très hostiles.