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REVUE PÉDAGOGIQUE

Chambas du Souf et Touaregs du Sahara, etc., n’ont guère d’autre nourriture ; ils n’y joignent que des dattes et, dans certaines localités, des bellouth ou glands doux.

Le kouskous est fait avec la farine de froment ou la semoule ; les femmes le roulent à la main dans un plat de bois appelé guessâa la farine se coagule en petites boules comme les grains de riz. Il est ensuite cuit au bain-marie dans une marmite spéciale (keskes), percée de trous comme une passoire ; puis il est servi dans des espèces de soupières de bois (mtarel) avec du mouton et du poulet bouillis. Nous, nous le mangeons avec une cuiller ; les indigènes le margent ordinairement avec les doigts : ils le roulent rapidement dans la main et en forment une boulette qu’ils lancent avec beaucoup de dextérité dans leur bouche et qu’ils avalent d’un seul coup. Ils sont assis par terre autour du mtared : chacun puise dans le plat, faisant un trou devant lui : c’est une sorte de prescription de ne prendre qu’autour du plat et de laisser intact le milieu : la bénédiction d’Allah, disent-ils, y descend. Le kouskous, en somme, est un plat que les Européens ne me paraissent manger que par curiosité ; je connais cependant des Algériens, surtout des enfants, qui en font leurs délices. Joignez à cela un excellent vin kabyle, offert par M. Boullu, clairet, frais à la bouche, qui me rappelle le petit vin de la Meuse, et des berr’ir, sorte de gâteaux légers, enduits de miel ou saupoudrés de sucre : c’était une diffa complète[1].

Comme l’école de Djemäa-Sah’aridj est la première école kabyle que nous visitons, je la décrirai : elles sont d’ailleurs presque toutes sur le même plan. Elle est bien située, sur un plateau d’où la vue domine au nord toute la vallée du Sébaou jusqu’à la longue chaîne de montagnes qui s’étend de Dellis à Bougie. L’école elle-même est un édifice carré bâti en pierre, mais trop à la hâte, car, bien que datant seulement de trois ans, il est déjà en assez mauvais état. Au rez-de-chaussée se trouvent quatre classes très simples avec des bancs et des tables pourvues d’encriers, une table bureau pour le maître. Ici, comme dans les autres écoles du pays, les cartes murales et les tableaux de poids et mesures et de système métrique sont

  1. La diffa, pour être absolument complète, comprend le méchoui. Voici comment je l’ai mangé ailleurs. Le méchoui est un mouton cuit et servi eu entier, On écorche l’animal, où lui fait le long du corps de larges entailles avec un couteau, on l’embroche avec une broche de bois dans le sens de la largeur, on le rôtit à un feu vif, la graisse brûlante pénètre les chairs frémissantes. On le sert dans un grand plat de bois (djefna) où on le fait glisser en retirant la broche. Le maître de la maison arrache avec les doigts une des excoriations les plus délicates et l’offre à l’hôte qu’il veut honorer de préférence. On ne saurait rien manger de plus succulent. Les maîtres et les hôtes ne prennent que les parties supérieures ; le reste est passé aux gens de la maison qui en laissent à peine les os.