Page:Revue pédagogique, second semestre, 1886.djvu/127

Cette page n’a pas encore été corrigée
119
EN ALGÉRIE

tres exemples de ce triple fonctionnement simultané, qui n’est pas si compliqué qu’il le paraît, car les attributions sont très exactement délimitées ainsi que la population administrée. Les tribus kabyles ont à leur tête un président, qui y remplit le même rôle que les anciens caïds des pays arabes. Son titre officiel est président de la djemâa ou conseil municipal ; il est nommé par le gouvernement francais, il administre les diverses fractions de sa tribu, toufik, korouba, thadderth, il en est responsable. À la tête de chaque village est un amin, qui en est comme le maire : l’oukil est une sorte de secrétaire et de receveur municipal ; quant au garde-champêtre, c’est une autorité respectée dans les villages kabyles.

Donc toute la population indigène nous attendait à Mékla. Nous saluons tous ces aimables gens, qui nous serrent la main avec cordialité. Avant de monter à Djemäa-Sah’aridj, but de notre voyage de ce jour, nous visitons en passant l’école de Mékla : c’est une école mixte, garçons et filles, tous Européens : elle ne se distingue guère de nos écoles de France, aussi notre visite est-elle assez courte. Les livres mis entre les mains des élèves sont généralement les mêmes que chez nous.

Djemâa-Sah’aridj (la mosquée du bassin), 19 mars.

Cependant il est 11 heures, il faut songer à déjeuner. Nos mulets sont là tout enharnachés, qui nous attendent ; nous enfourchons nos paisibles coursiers et arrivons à Djemäa-Sah’aridj, où nous devons visiter l’école tenue par M. G. Ce n’est pas sans un sentiment assez complexe, mèlé de curiosité et d’intérêt, que j’allais entrer dans cette école exclusivement indigène. Les petits Kabyles, au nombre de 19%, tous garçons, sont rangés sur plusieurs lignes en arrière de l’école et nous attendent pour nous saluer ; leur figure exprime plus la curiosité que l’embarras. Nous en faisons causer quelques-uns, et nous sommes déjà très satisfaits de ce premier contact.

Nous déjeunons chez l’instituteur et faisons honneur à l’excellent repas qui nous attend. M. G. nous sert des mets français ; mais le président du village n’a pas voulu ètre en reste de politesse et nous a fait préparer la diffa avec cherba, merga, kouskous. Pour la première fois, sauf M. Scheer qui est à demi Kabyle, nous mangions la cherba : c’est une soupe de pâte de froment et de poulet émietté ou coulis de poulet assez grossièrement passé. Elle nous est servie au milieu du repas ; le goût en est excellent, quelque peu semblable à la bisque, mais le poivre y domine trop pour nos palais français. La merga est le bouillon du kouskous ; c’est succulent, très nourrissant, grâce à la grande quantité de viande qu’on y a cuite. Le kouskous, dont j’avais déjà goûté sans enthousiasme, me parait cette fois fort bon. C’est le plat traditionnel et quotidien des Africains : Arabes des villes, nomades des grands plateaux et des grandes tentes, Kabyles sédentaires, Chaouia de l’Aurès, Mzabites du Ziban, et plus au sud dans le désert