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LA PRESSE ET LES LIVRES

douzaines de marmots confiés à ses soins, il n’en trouvera peut-être pas quatre qui auront compris un traître mot de ses démonstrations. Il en prendra bien son parti ; il aura gagné ses appointements, c’est pour lui l’essentiel. Mais aura-t-il formé des agriculteurs ? C’est une autre affaire. »

Nous ne poussons pas plus loin la tirade ; nous ne nous demandons point si M. Mangin n’aurait pas pu donner à ces récriminations une forme un peu moins blessante en ce qui concerne des maîtres pour qui l’essentiel, quoi qu’il en dise, n’est pas de gagner n’importe comment leurs appointements. Nous ne croyons pas devoir non plus prendre bien au sérieux, dans un journal libéral comme l’Économiste français, les doléances de M. Mangin au sujet de la diffusion de l’enseignement primaire ; si c’est là un mal, ce que nous n’accordons point, c’est un mal tellement nécessaire et indispensable aujourd’hui qu’il en faut quand même prendre son parti. Restent les objections contre l’enseignement agricole dans l’école primaire, dans les écoles rurales spécialement professionnelles, dans les écoles normales, partout enfin où M. Mangin en regrette la présence. La matière enseignable, dit-il, est inintelligente, paresseuse, inattentive. M. Mangin croit-il qu’elle le soit là plus qu’ailleurs ? croit-il, d’autre part, qu’il faille beaucoup plus d’intelligence, d’attention et de travail pour s’assimiler des notions agricoles bien et dûment présentées, qu’il n’en faut pour venir à bout, par exemple, des nomenclatures géographiques ou des arcanes de l’orthographe ? Quand l’enseignement, dans l’école rurale, deviendrait un peu plus réel qu’il ne l’a jamais été, quand il songerait un peu plus à s’approprier au milieu où ceux qui le reçoivent sont destinés à vivre, y aurait-il là, nous le demandons, erreur et préjudice ? Vous ne formerez pas, dit-il, des agriculteurs ! Mais qui songe à cela ? C’est, selon nous, précisément sur ce point que se trompe M. Mangin. Ce ne sont pas des praticiens agriculteurs que devra prétendre former l’école primaire tournée du côté des choses agricoles, ni même l’école rurale agricole professionnelle ; mais, à développer l’esprit des apprentis agriculteurs, sans les faire sortir de leur milieu natif, à les élever, à les instruire, rien qu’à les conduire à comprendre qu’il y a de par le monde d’autres voies et moyens agricoles que leurs voies et moyens traditionnels, croyez-vous que le temps serait perdu, qu’il y aurait à regarder beaucoup aux sommes dépensées, que même l’intervention de l’État — car c’est encore là un épouvantail pour M. Mangin — pourrait toujours et quand même être considérée comme malvenue et comme dangereuse ?C. D

L’enseignement par l’État et l’enseignement libre, par M. Arthur Mangin (l’Économiste français, n° du 27 juin 1885). — Nous parlions tout à l’heure de l’espèce de répulsion instinctive qu’éprouve M. Arthur Mangin pour tout ce qui concerne l’intervention de l’État