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CHRONIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN FRANCE

mais la fièvre était très forte et hors de proportion avec les autres symptômes. Elle céda cependant, et la guérison semblait prochaine, quoique le médecin entrevit toujours et laissât même entrevoir la possibilité d’un accident. L’accident redouté est arrivé lundi dernier, à dix heures du soir, et quatre heures après tout était fini. M. Anthoine va reposer maintenant à Beaugency, dans le caveau de famille, où il avait, avec une triste prévoyance, depuis longtemps marqué sa place. Mais sa mort a été, comme sa vie, celle d’un croyant ; et il emporte, dans cette tombe sitôt ouverte, l’espoir, non du sommeil et du néant, mais du réveil, de la réunion définitive et des joies qui ne finiront pas.

DISCOURS DE M. CARRÉ
Inspecteur général de l’enseignement primaire.

Avant de nous séparer définitivement de cette dépouille mortelle, qu’il me soit permis de venir à mon tour vous dire quelques mots e celui dont j’étais depuis treize ans le collègue et l’ami. Je voudrais vous rappeler ce qu’il a fait dans ce département du Nord, au service duquel il consacra six années d’un labeur particulièrement pénible et dont moi, son successeur, je devais recueillir les fruits.

Lorsque M. Anthoine fut appelé dans le Nord, en 1873, sans l’avoir désiré, je crois, il fut d’abord effrayé de la grandeur de la tâche qu’il acceptait. Mais, homme de conscience et de devoir, il se mit à l’œuvre avec courage et se dévoua tout entier.

Les questions financières inhérentes au classement particulier adopté pour les traitements dans ce département, avaient été à peu près réglées par son prédécesseur, M. Jarry ; il put porter sa principale attention sur l’enseignement. Assurer, par la création d’une grande école normale d’instituteurs, un recrutement de maîtres bien préparés, régulariser les conférences pour tirer le meilleur parti possible de ceux qui étaient en exercice : tel fut son premier soin. Mais 1l sentait qu’il fallait plus. Il comprenait que ses maîtres avaient besoin d’instructions, et que celles qu’il leur donnerait n’iraient réellement à leur adresse, que le contrôle de l’inspection ne serait réellement efficace, que lorsqu’il aurait doté le département d’une organisation pédagogique analogue à celle qui fonctionnait déjà dans la Seine et dans quelques autres départements, avec l’institution du certificat d’études comme couronnement. Longtemps il y songea. C’était l’objet continuel de nos entretiens dans ces causeries intimes dont les sessions du Conseil académique nous fournissaient l’occasion. Cette organisation parut enfin en 1876 ; œuvre profondément étudiée et sérieusement mûrie. Les résultats espérés ne se firent pas attendre. Mais laissez-moi vous répéter ce qu’il en disait lui-même un an après, dans son rapport de 1877.

« De ces causes, disait-il après avoir rappelé les efforts de tous durant le cours de cette laborieuse année, de ces causes est née dans nos écoles une agitation que nous n’y avions jamais vue ; agitation de bon augure, s’il en fut. On ne se contente pas de faire ce qu’on a toujours fait, on veut mieux faire. On a un but, on y tend. Je ne dis pas qua tout soit renouvelé et transformé ; nous savons qu’il y a encore des classes faibles, des matières dont l’enseignement laisse