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CHRONIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN FRANCE

cours de circonstance, ses articles dans les journaux pédagogiques, comme les commentaires de ses éditions du théâtre classique, sont des modèles de finesse d’esprit et de justesse de sentiment, de tact, de discrétion et de mesure. En tout, il avait cette sorte d’esprit que noire ami Bersot appelait « le don de pénétrer les choses sans s’y empêtrer ».

Pour tous ses collègues, M. Anthoine était un ami. Nous avions tous autant de sympathie pour les qualités de son cœur que d’estime pour celles de son esprit. Son expérience était, pour chacun de nous, une lumière, et notre conscience était plus sûre d’elle-même par son accord avec la sienne. Une réforme eût été bien compromise auprès de nous tous, si elle avait eu la droiture d’intelligence de notre collègue contre elle, et il nous semblait qu’avoir raison avec lui c’était avoir deux fois raison.

Et aujourd’hui, un coup inattendu l’enlève à nos travaux, à notre affection ! Il l’enlève plus cruellement encore à une famille à laquelle il était si nécessaire et si cher à la fois. M. Anthoine laisse à sa malheureuse veuve quatre enfants, dont l’aîné sert, en ce moment, comme officier, au Tonkin, et dont le plus jeune commence à peine à suivre nos classes. Qui ne s’associerait à une telle perte, à de telles douleurs ? Qui ne voudrait en adoucir l’amertume et en alléger le poids ?

Adieu, cher et regretté collègue. Malgré cette lamentable séparation, vous ne nous quittez pas tout entier. Vous vivez dans notre souvenir et dans notre amitié. Nous rencontrerons votre pensée aussi longtemps que nous aurons nous-mêmes la force de travailler à l’œuvre commune que vous avez honorée et servie. Adieu !

DISCOURS DE M. LACHELIER
Inspecteur général de l’enseignement secondaire.

C’est au nom de l’enseignement secondaire, auquel M. Anthoine a longtemps appartenu, c’est, en particulier, au nom de ses anciens camarades d’École normale, que je viens lui adresser à mon tour un hommage et un adieu.

Élève et lauréat, d’abord du lycée d’Orléans, puis du lycée Charlemagne, M. Anthoine est entré à l’École normale, dans la section des lettres, en 1851. Il y a été un aimable camarade, d’un commerce doux et sûr, et un élève distingué, d’un esprit déjà ferme, mais surtout fin et délicat. Malgré sa mauvaise santé, qui a traversé sa seconde année d’études, et qui lui aurait donné le droit de la redoubler, il est sorti de l’École dans un bon rang, en 1854. Trois ans plus tard, c’est-à-dire aussitôt que les règlements d’alors le permettaient, il a conquis le titre d’agrégé de grammaire, et il y a joint, dès l’année suivante, celui d’agrégé des lettres.

Il a professé dix-huit ans dans les lycées ; il a été quinze ans professeur de rhétorique et il a occupé huit ans, de 1864 à 18792, la chaire de rhétorique du lycée de Nantes. Il était en même temps chargé d’un cours de littérature à l’École supérieure de cette ville. Dès ses débuts il s’est fait apprécier et même distinguer : mais les huit dernières années de son professorat n’ont été qu’une série de succès. Son cours public était suivi et applaudi par la meilleure