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CHRONIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN FRANCE

lettré délicat[1], s’associeront aux vifs regrets causés par cette mort inattendue.

Élève de l’École normale supérieure, M. Anthoine exerça de 1854 à 1872, dans différents lycées, et, en dernier lieu, dans celui de Nantes, où il occupa la chaire de rhétorique, les fonctions de professeur. Entré ensuite dans l’administration, il fut d’abord inspecteur d’académie à Tours, puis, de 1873 à 1830, directeur départemental de l’enseignement primaire à Lille. Sa nomination comme inspecteur général date de mars 1880, et c’est en 1882 qu’il donna à la Revue pédagogique son premier article et devint membre de son comité de rédaction.

Les obsèques de notre éminent collaborateur ont eu lieu le 3 décembre ; après la cérémonie religieuse, le cercueil a été conduit à la gare d’Orléans pour être transporté à Beaugency (Loiret). Nous reproduisons les trois discours prononcés à cette occasion par MM. G. Vapereau, Lachelier, et I. Carré, inspecteurs généraux de l’instruction publique. Ces discours diront, mieux que nous ne pourrions le faire, ce que fut l’homme dont nous déplorons ici la perte.

DISCOURS DE M. VAPEREAU
Doyen de l’Inspection générale de l’enseignement primaire.

Au nom de l’inspection générale de l’instruction publique, je viens adresser quelques mots d’adieu au cher et regretté collègue que vous avez accompagné jusqu’à cette gare du départ, comme on fait la conduite à un voyageur, qui, hélas ! ne doit pas revenir. La mort si imprévue de M. Anthoine n’est pas seulement un deuil cruel pour sa famille, une émotion douloureuse pour tous ceux qui l’ont connu, c'est une perte sensible pour l’Université elle-même, pour notre vieille école normale, pour l’inspection générale tout entière, particulièrement pour celle de l’enseignement primaire auquel une grande partie de sa vie a été vouée. Au nom de nos collègues de cette dernière, laissez-moi réunir ici quelques souvenirs qui justifient trop nos regrets.

Enlevé, en pleine activité, à cinquante-quatre ans, Émile-Arthur Anthoine était né le 21 juin 1831, à Orléans, et ce triste wagon qui emporte ses restes, va, dans quelques heures, traverser son pays natal, qui fut, à un moment, celui de quatre de ses collègues. Après de fortes études classiques, il entra à l’école normale supérieure en 1851, et y rencontra toute une brillante génération de camarades, dont quelques-uns l’ont surpassé par l’éclat des travaux, aucun par le réel mérite. Reçu, à un an d’intervalle, agrégé de grammaire et agrégé des lettres (1857-1858), c’est dans l’enseignement littéraire qu’il semblait être appelé à prendre rang. Il occupa, entre autres chaires, celle de rhétorique du lycée de Nantes avec un rare honneur. Non content des succès brillants et répétés de ses élèves dans les concours des lycées, il fit des conférences littéraires publiques qui furent très remarquées. Il y déployait un talent d’exposition, d’analyse

  1. Voir l’article À travers les écoles, notes d’un inspecteur, dans notre numéro du 15 novembre dernier.