Page:Revue pédagogique, second semestre, 1885.djvu/433

Cette page n’a pas encore été corrigée
425
A TRAVERS LES ÉCOLES

aucun, ajouter parfois un détail intéressant et caractéristique, plus souvent pour écarter les faits secondaires et dégager le fait principal, ou encore pour marquer avec plus de force le lien logique, l’enchaînement des événements embrassés avec un peu plus d’ensemble. Je sais qu’il y a une manière de revoir l’histoire, celle-là faisant la part plus large au maître ; c’est de reprendre l’exposé des faits en les groupant autrement ; le premier enseignement est ainsi rompu et diversifié ; la révision même prend un certain air de nouveauté ; l’esprit d’ailleurs s’habitue à ne point s’arrêter à un premier et unique aspect des choses, à les considérer par plusieurs côtés, à en faire en quelque sorte le tour. C’est ce qu’on vient, je suppose, d’essayer devant nous ; y réussir eût exigé une science plus sûre d’elle-même et plus nourrie, plus d’habitude de la réflexion et, si je ne me trompe, un effort de préparation plus sérieux.

La maîtresse a repris la parole ; elle traite de Richelieu. À la seconde audition, comme il arrive d’ordinaire, Îles défauts s’accusent davantage. Cette leçon me fait penser à une de ces épreuves telles qu’on donne un tirage trop rapide ou trop multiplié ; image sans relief ni netteté, décolorée, brouillée, confuse : il y a là-dessous un premier dessin qui n’était peut-être pas sans vigueur, mais aujourd’hui altéré et effacé. Oui, cette maîtresse a étudié, a su un jour, autrefois, l’histoire ; mais elle a cru que c’était fait pour la vie ; elle s’est contentée de se répéter. Sa mémoire a laissé tomber un premier détail, puis un second, puis une part plus importante de l’idée, puis une autre et une autre ; il y a maintenant des trous énormes dans son exposition ; cela ne se tient plus, ne se suit plus. Elle s’entend elle-même, je le veux ; elle ne se fait plus entendre. Dites-le lui ; elle s’étonnera. Ce travail de détérioration s’est opéré graduellement, lentement ; elle ne s’en est pas aperçue qui de nous peut répondre qu’il s’aperçoit des changements que l’âge ou la maladie apporte à ses traits ? Ajoutez qu’elle a gardé une facilité de parole qui a pu lui faire illusion, la tromper sur elle-même ; elle serait tentée de dire : Je parle, donc je pense. Comme si l’abondance des mots exprimait toujours l’abondance des idées ; comme si l’on ne voyait pas au contraire la facilité de la parole, chez certaines personnes