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REVUE PÉDAGOGIQUE

prêtes à l’écouter. Celle-ci commence ; la voix est claire, bien timbrée, agréable ; la parole, d’une remarquable facilité, sans arrêt ni hésitation. Pourquoi donc cette parole ne laisse-t-elle pas après elle dans l’esprit une impression satisfaisante de netteté ? À tout moment je me surprends me posant à moi-même un point d’interrogation ; ainsi dans cette phrase à propos de l’administration financière de Sully : « Les millions qui lui manquaient encore, il les demanda à l’agriculture et à l’industrie. » Comment ? J’aurais aimé — d’autres sans doute avec moi — à connaître le procédé. Plus loin, parlant de ce projet qu’expose en effet Sully dans ses Mémoires, sorte de rêve de diplomate vieilli, inoccupé, en dehors de l’action et de la réalité, je note cette autre phrase : — « Pour assurer la paix de l’Europe, Henri IV se proposait de la partager en six royautés héréditaires, cinq électives… etc. » Mais en quoi un tel partage eût-il assuré la paix de l’Europe ? Vos élèves, à qui vous ne le dites pas, le devineront-elles ? Il fallait ou ne pas toucher à cette idée, ou, y touchant, pousser plus loin, ne pas dire à moitié, exposer de manière à faire comprendre.

La maîtresse en ayant fini avec Sully, première partie de sa leçon, s’est arrêtée ; elle interroge. Elle va, j’y compte, reprendre ce qu’elle a jeté un peu vite, le remanier et tâcher de l’amener au degré nécessaire de clarté ; elle le peut en se ménageant par ses questions mêmes l’occasion d’intervenir ici ou là. Point. C’est maintenant l’élève qui parle seule. Ce qui lui a été dit, elle le redit fidèlement, avec une sûreté de mémoire tout à fait merveilleuse si elle l’a entendu pour la première fois. Fait-elle quelques omissions ? Elle est avertie, remise d’un mot sur la voie et elle continue. On dirait une leçon récitée. Pas un éclaircissement ajouté ; pas une explication demandée, si-ce n’est la différence d’une royauté héréditaire et d’une royauté élective, encore n’est-ce là qu’une explication en quelque sorte incidente, qui ne touche à rien d’essentiel et de fondamental.

Ce n’est pas ainsi que pour ma part j’entendrais et pratiquerais une révision. Je ferais surtout parler les élèves, je chercherais à reconnaître ce qu’ils ont retenu et compris de mon enseignement afin d’en conclure comment je devrais le diriger à l’avenir. J’interviendrais seulement pour les forcer à être toujours précis, pour rectifier en deux mots ce qui n’aurait pu être rectifié par