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REVUE PÉDAGOGIQUE

de ce qu’on y voit, de ce qu’on y trouve, et ils vous écouteront, et l’œil s’allumera ; ils auront bientôt oublié les quatre murs enfumés qui les enferment ; ils vous suivront. Avec un récit géographique, que ne ferait-on pas de ces enfants ? Une leçon de géographie pourrait être la récompense de l’attention prêtée à d’autres leçons qui leur agréent moins.

Ces réflexions et d’autres de même nature surprenaient fort (je le voyais bien) notre jeune maîtresse ; ce n’est pas ainsi qu’elle concevait l’école. Pour elle (et cet idéal remontait aux jours mêmes de son enfance), l’école était un lieu très grave où il ne s’agissait ni de s’amuser ni de prendre plaisir, où l’on faisait des choses très sérieuses (et il n’est pas sûr que, même à son âge, les idées de sérieux et d’ennuyeux ne fussent pas voisines), où l’on apprenait laborieusement à lire, écrire, compter, où l’on avait des devoirs, des leçons, où l’on copiait surtout. Ce qu’on lui avait fait faire, elle le faisait faire à son tour, honnête, ponctuelle, consciencieuse. Comme on l’avait arrêtée longtemps aux règles du participe passé, elle y arrêtait les autres. Pourquoi, se détachant des exemples reçus, ne s’abandonnait-elle pas à ce qu’il devait y avoir de maternel en sa droite nature ? L’instinct lui eût appris l’art de laisser venir à soi les petits enfants, de ne point les effaroucher, de leur présenter d’abord ce qu’ils peuvent comprendre, de les attirer, de les intéresser.

En l’abordant, je lui avais demandé si ses élèves étaient bien sages : au ton embarrassé dont elle m’avait répondu, j’avais compris que l’école, comme sa voisine, la mer, avait ses jours de houle ; et je me l’expliquai maintenant. Ces enfants, si patients qu’ils fussent, souffraient parfois inconsciemment du peu d’attrait de leur tâche : l’esprit n’étant pas occupé, le corps reprenait ses droits, il s’agitait. Même le petit que j’avais vu si attaché à sa copie devait parfois sentir le besoin de dégourdir sa main droite, voire sa gauche.

Sorti de l’école, je disais à mon compagnon ce que j’en pensais, plus librement, plus vivement, n’ayant plus la crainte de contrister une si honnête personne. « Après avoir vu votre école, lui disais-je, j’excuse, je comprends ceux de ses élèves qui la désertent parfois pour la belle grève où nous marchons ; je suis tout près de passer de leur parti ; un peu