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A TRAVERS LES ÉCOLES

sans table devant eux, à la place où était l’âtre, sous le large manteau de la cheminée, qui, apprenant à lire, prennent encore une bonne part du temps de la maîtresse. Le reste, le plus grand nombre, est surtout occupé à écrire, les uns s’essayant, les autres, dont la main est plus sûre, copiant. La copie est dans tout ce pays fort en honneur. J’admire avec quelle docilité, quel bon vouloir, quel zèle même les enfants s’y livrent. J’en aperçois un d’ici que ma présence ne dérange pas : que peut-il copier ainsi ?… Le Schisme des dix tribus. Du reste, ceci ou cela, peu lui importe ! Il ne comprend rien à ce qu’il écrit ; il copie, non mot par mot, mais lettre par lettre. Voyez plutôt, — car il a déjà repris sa tâche. Pendant que sa main droite travaille à tracer une lettre, un doigt de sa main gauche reste fortement appuyé sur le livre pour marquer l’endroit où il en est et qu’il aurait, sans cette précaution, beaucoup de peine à retrouver ; la main droite ayant achevé la lettre, la tête se tourne du cahier vers le livre pour chercher une lettre nouvelle, objet d’un nouveau labeur ; le doigt de la main gauche se soulève et se déplace, la tête revient du livre vers le cahier, et ainsi de suite. Ô la nature laborieuse, patiente et résignée ! C’est ainsi que ce même enfant, devenu grand, tracera le sillon, cultivera son maigre champ par le vent, la pluie et la froidure, sans se plaindre, sans se rebuter, mais aussi sans se demander si le résultat répondra bien à sa peine, s’il n’y aurait pas manière de faire mieux et d’obtenir plus.

D’histoire, il n’est question que pour les six ou sept premiers élèves ; encore ce qu’ils en ont gardé est-il peu de chose. De géographie, seulement des noms. On m’assurait pourtant que les enfants de ce pays, surtout ceux du bord de la mer, prennent volontiers intérêt à la géographie. De bonne heure ils ont la notion, le sens du lointain. Le lointain, c’est ce qui est par delà cet horizon déjà si reculé où s’enfoncent et se perdent les navires qui partent, d’où sortent, grossissant et se rapprochant, les navires qui viennent : de ce lointain qu’ils voient chaque jour s’entr’ouvrir et se fermer, ils ont de bonne heure le goût et le désir ; ils en rêvent ; la mer en est le grand chemin, la mer les attire ; ainsi ils deviennent marins, voyageurs, aventureux. Parlez-leur de ces régions lointaines, de leurs aspects divers,