Page:Revue pédagogique, second semestre, 1885.djvu/426

Cette page n’a pas encore été corrigée
418
REVUE PÉDAGOGIQUE

On a fait ici, je le sais, comme on a pu. Jusqu’en ces derniers temps le hameau n’avait point d’école : celle-ci à été ouverte dans la première maison disponible ; or dans un groupe si restreint les maisons disponibles sont rares ; et, à dire vrai, y a-t-il même un choix ? De l’une à l’autre y a-t-il des différences bien sensibles ? À cette maison telle quelle, les élèves n’ont pas manqué. C’est une erreur de croire les populations de ce pays hostiles où même indifférentes à l’instruction ; une école ouverte en Bretagne, j’ai pu le constater, est une école bientôt pleine. La maison où nous sommes avait deux pièces ; la première s’est remplie, puis la seconde : il est vrai qu’on a été long à s’aviser de réunir l’une à l’autre pour rendre le rôle de la maîtresse moins pénible : il a fallu que l’inspecteur primaire passât. La trace de la cloison récemment démolie se voit en blanc sur les murs noirs ; car les murs sont noirs, et d’une noirceur à laquelle bien des années ont contribué, ajoutant chacune sa couche aux autres couches ; les blanchir n’eût pas été une affaire : on n’y a point encore songé.

Mes yeux se sont accoutumés maintenant à la pauvre lumière du lieu. Ils sont là une quarantaine d’enfants, garçons et filles, qui font plaisir à voir, solides, bien portants, aux joues remplies et fermes, hâlées et vermillonnées, au regard franc, belle population saine physiquement et moralement. Leur maîtresse est jeune, de même race et de même sang qu’eux, au même teint et de même santé, une sorte de sœur aînée, la fille du gardien du phare construit sur un rocher à quelque distance. Je regarde les cahiers, les livres ; j’interroge par ci par là ou plutôt je cause. Je tâche de me rendre compte. D’abord une grande fille de treize ans, l’espoir de sa maîtresse qui la prépare pour le certificat d’études : elle deviendra, si Dieu l’assiste au jour de l’examen, l’orgueil de l’école, la gloire du hameau : dans son cahier, beaucoup de dictées, les dernières sur les règles de même et de quelque. Avec elle, faisant les mêmes devoirs, travaillent plusieurs garçons, sans grand succès et peut-être sans grand goût ; ils paraissent à l’avance résignés à ne jamais rien entendre aux mystères de quelque en un ou deux mots, de même variable ou invariable : en tout six ou sept élèves, la tête de l’école. À l’autre extrémité douze ou quinze tout jeunes enfants, assis sur des bancs,