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CORRESPONDANCE

que, laissant aux élèves seuls le soin de les indemniser tant bien que mal, moyennant la modique somme de 1 à 2 francs par mois. En outre, ils devaient fournir à tour de rôle le chauffage et l’éclairage, c’est-à-dire le panier de bois ou de charbon et la classique chandelle de suif. Voila en deux mots comment les cours d’adultes ont fonctionné depuis 1833 jusqu’à 1850. Je n’ai pas manqué de les ouvrir chaque année, et je crois que c’est le soir, en instruisant les grands, que j’ai rendu les meilleurs services à mes concitoyens. Je leur enseignais tout ce que je pouvais ; surtout, je leur prêchais le bien, et j’ai eu la satisfaction de voir que mes conseils n’ont pas été perdus pour le plus grand nombre d’entre eux. »

Ce récit intéressant est resté dans ma mémoire. Son auteur est mort entouré de respect, et la population qu’il avait élevée a gardé de li un précieux souvenir.

Il y avait donc un siècle que les cours d’adultes existaient, sans direction officielle, sans encouragements de personne, quand l’État les prit sous sa protection et leur imprima un mouvement d’ensemble qui marque l’ère de prospérité de l’institution. Les années comprises entre 1865 et 1870 sont les dates brillantes des cours d’adultes ; elles honorent également et les maîtres dévoués qui s’y consacraient et le ministre libéral qui se plaisait à récompenser leurs travaux. Alors, de 6 à 8 ou 9 heures du soir, pendant les quatre à cinq mois d’hiver, on pouvait se présenter jusque dans les moindres écoles, sûr d’avance d’y rencontrer de nombreux élèves. Nulle part, l’ordre, le respect et les convenances ne furent méconnus ; car l’émulation, le désir de comprendre et le besoin de s’instruire faisaient le fonds de ces réunions, vrais centres de bonheur et de recueillement. L’année terrible dut arrêter ce noble élan qui, repris momentanément, en 1873 et 1874, n’a plus fait que décliner jusqu’à nos jours. C’est pourquoi on adit, en 1884, que les cours d’adultes avaient vécu.

Il serait trop malheureux que le mot fût vrai, et nous voulons bien croire qu’il n’en est rien. Qu’on dise, si l’on veut, que l’institution subit un moment d’arrêt, sauf à reprendre un nouvel essor : rien de mieux ; mais qu’on prononce sa condamnation, c’est ce que nous ne pouvons pas admettre. Voyons, en effet, s’il est possible que les cours d’adultes soient rayés de nos programmes.

Disons d’abord qu’en raison de leur ancienneté, ils sont considérés partout comme une seconde école aussi utile que la première. Nous avons été à même de constater plusieurs fois le fait suivant : un hameau obtient une école, et elle est à peine ouverte que les habitants réclament un cours d’adultes où tous arrivent joyeux.

Ensuite, on sait qu’il faut compter avec les mœurs et les coutumes existantes, avant de tenter de détruire ce que le peuple des campagnes aime et apprécie. Or, il est de toute évidence, pour quiconque a vu de près les écoles et les habitants d’un pays, que les cours d’adultes sont regardés généralement comme faisant