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REVUE PÉDAGOGIQUE

donc possible que cet or de l’école fût devenu plomb ? Nous n’y pouvons croire ; c’est pourquoi nous allons essayer de défendre une cause d’ordre supérieur, en montrant la nécessité de continuer les cours d’adultes.

L’histoire de l’enseignement primaire avant 1789 nous apprend que les classes d’adultes existaient déjà à cette époque, et que les recteurs d’école répondaient au vœu des familles en instruisant les adultes à la suite de leurs rudes travaux du jour. Un décret de la Convention, du 30 mai 1793, était venu ensuite et portait : « Les ’instituteurs sont chargés de faire aux citoyens de tout âge, de l’un et l’autre sexe, des lectures et des instructions. »

Comme la plupart des prescriptions scolaires de ce temps, ce décret ne fut pas appliqués. Mais les instituteurs, toujours dévoués, reprirent dès qu’il le purent l’œuvre de leurs respectables devanciers, interrompue pendant les années de la Révolution et les guerres de l’Empire.

C’est un de ces anciens du siècle qui va nous le raconter.

« J’avais obtenu mon brevet de 3° degré, nous disait-il un jour, et je devins instituteur. C’était en 1818 ; vous voyez que je vous parle de longtemps. Chacune de mes journées d’hiver était prise, depuis 7 heures du matin jusqu’à 5 heures de l’après-midi pour les classes du jour, ct depuis 7 heures à 9 heures et demie pour la classe du soir : nous appelions ainsi le cours d’adultes. Tous les grands garçons du village y assistaient, même les hommes mariés et d’âge mûr. Plusieurs de ces derniers m’envoyaient leurs petits pendant le jour, et venaient prendre leurs places pendant la veillée. Rien n’était plus admirable que de voir ces hommes de bonne volonté venir demander à un jeune homme (j’avais à peine vingt ans) de leur apprendre les premiers éléments de la lecture, de l’écriture, du calcul et du toisé, qui composaient notre programme. Le respect que me portaient mes grands écoliers, le goût qu’ils montraient : pour l’étude, les remerciements et les attentions qu’ils me prodiguaient, tout cela me faisait oublier vite les fatigues de la journée. Nous nous séparions toujours contents les uns des autres, et allions en paix prendre notre repos. Ce qui se passait chez moi se répétait à peu près partout. Il le fallait bien ; car alors on n’était instituteur complet qu’à ce prix.

» Avec la grande loi de 1833, on put compter sur des résultats meilleurs. Toutefois, cette première charte de l’enseignement primaire dut pourvoir au plus nécessaire, et le pays n’était pas savant. Je me souviens, en effet, que sur 259,979 conscrits, 131,353, ou la moitié, étaient encore illettrés. On organisa donc d’abord les écoles, puis on songea aux adultes. Une circulaire ministérielle ne tarda pas à venir placer l’école du soir à la suite de l’école du jour. Cependant, les municipalités, le département et l’État continuaient à n’avoir pour le zèle des maîtres qu’une admiration toute platoni-