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REVUE PÉDAGOGIQUE

sujet, il en fait lui-même un résumé substantiel qui servira de modèle aux jeunes gens pour le leur. A la fin, il résume toute la leçon en quelques phrases nettes et brèves.

Les élèves prennent peu de notes pendant le cours ; leur principale préoccupation doit être d’écouter. Ce n’est qu’en écoutant qu’ils pénétreront la pensée du maître et saisiront l’ensemble de sa leçon. Ils ne doivent pas être constamment courbés sur leurs cahiers, ils doivent regarder le professeur. C’est la remarque que nous faisait un jour un inspecteur général sur l’autorité duquel nous aimerions à nous appuyer, si la discrétion ne nous interdisait de citer des noms propres. « Laissez donc vos notes, disait-il aux élèves, et regardez votre maître. Un mot de place en place pour servir de jalon, voilà tout ce qu’il vous faut. Avec un peu d’exercice, vous arriverez à consigner toujours le mot important, celui qui est la clef de toute la phrase. »

Revenus en étude, les élèves, comme on l’a dit, en consultant leurs notes et leurs souvenirs, font un résumé bref et substantiel de la leçon. C’est ainsi qu’ils se composent jour par jour, pour chaque matière, un manuel plus précieux pour eux que le manuel imprimé le plus habilement fait. On se souvient toujours mieux, en effet, des choses qu’on a rédigées soi-même, lorsque l’esprit a fait effort pour réunir les idées, les classer et leur donner la forme. Chaque phrase, quand on relit, évoque le souvenir des détails donnés dans le cours de la leçon. Ici le maître a fait telle réflexion ; là il a raconté telle anecdote ; plus loin il s’est livré à tel rapprochement. Un travail de cette sorte a pour chaque élève un caractère intime et personnel que le livre ne saurait avoir ; il pénètre plus avant dans l’intelligence et par suite se grave plus profondément dans la mémoire.

Nous connaissons d’avance les objections qu’on va nous faire.

On alléguera en première ligne la difficulté d’obtenir un résumé correct et fidèle de jeunes gens aussi peu cultivés que le sont les élèves entrant à l’école normale.

Nous convenons que la difficulté est grande pour les élèves de première année, à leur début. Aussi nous efforçons-nous de leur faciliter la besogne en leur donnant un sommaire plus étendu, en leur dictant même au besoin les parties les plus difficiles de leurs cours. Mais c’est un travail dont ils doivent absolument prendre l’habitude. Après six mois de séjour, tout le monde doit être à même de le faire sinon avec correction, au moins avec un peu d’exactitude. Celui qui en serait incapable au bout de ce temps manquerait d’intelligence ou de bonne volonté et ne mériterait pas d’être conservé dans la maison. Savoir suivre un cours avec profit, savoir condenser les notions reçues pour les caser dans la mémoire, c’est le premier talent qu’un élève-maître doit acquérir ; c’est en quelque sorte l’instrument essentiel de ses progrès à venir.