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La main en effet a été de tout temps l’instrument pédoplégique par excellence ; et il est bien étrange qu’Aristote, qui a écrit sur tant de sujets et sur l’éducation en particulier, qui le premier a vu une des causes de la supériorité de l’homme sur l’animal dans la forme de ses membres antérieurs, n’ait pas relevé le rôle capital de le paume et des cinq doigts dans l’éducation physique, intellectuelle et morale de la jeunesse. Ses sectateurs les plus fidèles n’ont pas su combler dans les œuvres du Maître cette grave lacune dont le moyen âge, hâtons-nous de le dire, n’a nullement souffert. De nos jours, — après Cicéron qui avait déjà appelé les mains « les ministres des arts », manus artium ministras, — on a vu dans cet organe « le premier instrument d’analyse » ou encore « un compas à cinq branches », mais on a négligé de relever l’admirable finalité avec laquelle la Nature, en imposant à l’homme seul, parmi tous les animaux, la rude tâche d’élever sa progéniture durant de longues années, l’a muni en conséquence d’un instrument ad hoc. Et quel merveilleux instrument, à la fois de préhension pour maintenir le sujet, de flagellation pour le châtier ! Comme il se préte à toutes les combinaisons d’un esprit ingénieux ! Le fléau n’est qu’une faible imitation de la structure du bras. Et le poing, quel marteau donné par la nature ! et comme les effets en sont différents suivant la partie qui frappe ! Il faut une langue aussi riche que l’allemand pour en exprimer toutes les variétés. Ouvrez-le, c’est une merveille : il griffe, il pince, tire, tord et tenaille, il détache la chiquenaude légère comme l’épigramme quoique moins spirituelle ; il s’allonge et se raidit pour donner à plat la claque, il s’assouplit pour frapper du revers, et lorsqu’il se détend les doigts deviennent souples comme les lanières du martinet. Mais ce n’est là que le mécanisme extérieur du soufflet ; pour en bien saisir la nature et en comprendre l’universalité il faudrait une analyse qui pénétrât jusque dans les profondeurs de l’organisme et de l’être moral : il faudrait montrer comment l’idée de coups spontanément associée à l’émotion colérique tend irrésistiblement à passer en acte, par suite d’une circulation plus active du sang et d’une rapide innervation qui donne à tous les muscles du corps une tonicité excessive, douloureuse, qu’une décharge de force peut seule soulager. Ajoutons que certaines figures ou autres surfaces semblent avoir reçu de la nature la propriété de provoquer chez l’éducateur cet état psycho-physique et d’attirer sur elles les gifles et les claques suivant une loi aussi fatale que celle qui préside à la combinaison d’un acide avec une base quand ils sont mis en présence dans les conditions voulues.

Parmi les autres circonstances favorables il convient de signaler l’influence de la saison, du printemps en particulier, dont les tièdes effluves ont pour effet d’accroître la malice des élèves et d’irriter la sensibilité du maître ; le séjour prolongé dans un air confiné chargé d’acide carbonique, en général une vie trop sédentaire funeste au