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NOTES

POUR SERVIR À UNE HISTOIRE DES CHATIMENTS CORPORELS A L’ECOLE


Ce serait une étude bien intéressante à faire, et que nous entreprendrons peut-être, que l’histoire des tortures variées qui ont été successivement en usage dans l’école. Une fois que l’attention des chercheurs aurait été éveillée sur ce point, on arriverait certainement à constituer au Musée pédagogique une section rétrospective des plus curieuses consacrée au matériel scolaire des temps passés, la section de la Pédoplégie. Aucun autre mot ne désigne aussi bien que ce barbarisme la partie de la pédagogie qui comprend à la fois l’Orbilianisme ou méthode contondante d’enseignement, aujourd’hui suranné, et l’emploi spontané ou systématique, encore en vigueur dans certains pays, des corrections corporelles dans l’éducation proprement dite. Il serait sans doute difficile en France de réunir les élément de cette collection ; les maîtres d’autrefois ont usé l’osier ou le « boulas » sur le dos des élèves, et ces derniers, avec l’ingratitude de leur âge, n’ont pris aucun soin d’en conserver les tronçons. Peut-être cependant découvrirait-on, dans les greniers des rares familles qui n’ont jamais déménagé, quelque antique martinet, et il n’est pas sans exemple dans l’histoire qu’une pieuse vénération se soit attachée à ces instruments de discipline. C’est ainsi que nous lisons dans la Vie de Grégoire le Grand écrite à la fin du ixe siècle qu’on montrait encore à Rome le fouet dont le saint pontife se servait de sa propre main pour diriger les enfants de chœur [1]. En tous cas on pourrait dans ce département de la pédagogie faire plus facilement que dans beaucoup d’autres de nombreux emprunts à l’Allemagne, où le bouleau scolaire (betula scholastica) n’a pas cessé d’être cultivé. Nous nous proposons d’indiquer dans les pages qui suivent les plus importantes variétés d’instruments dues à l’invention d’ingénieux pédagogues ; mais nous devons dès maintenant nous résigner à être incomplet dans l’énumération des diverses sortes de corrections manuelles.

  1. « Sub Lateranensis Patriarchi domibus fabricavit, ubi usque hodie lectus ejus in quo recubans modulabatur, et flagellum ipsius, quo pueris minabatur, veneratione congrua, cum authentico Antiphonario reservatur. » Johan. diac. Vita S. Greg. Magni. Cité par le Dr Zappert dans un travail intitulé Stab und Ruthe im Mittelalter (Sitzungsberichte der k.k. Academie der Wissenschaften, juin 1852, Vienne), auquel nous faisons de nombreux emprunts de textes.