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A TRAVERS LES ÉCOLES

» Mais voyons, — entre nous, — cet entraînement dont vous parlez est-il bien l’explication vraie de ce manque de proportion entre les différentes parties de votre leçon ? Ne serait-ce pas en réalité que vous étiez plus prêt sur la biographie que sur le reste, qu’il est plus facile d’exposer des faits que des idées, surtout des idées qu’on emprunte. Un fait est toujours un fait, il a par lui-même une précision suffisante. Mais il est si malaisé de reproduire une idée dans sa juste mesure sans s’arrêter en deçà, sans pousser au delà ; aussi le plus souvent, pour ne pas la fausser, on passe vite, or n’appuie pas ; on est rapide et on est vague ; rien d’accusé, de marqué ; c’est flou, comme on dit d’un dessin… Vous connaissiez, n’est-ce pas ? Les pièces que vous avez citées ; vous les aviez lues… oui, mais il y a déjà un certain temps… Eh bien ! à l’occasion de votre leçon, il fallait les relire. Relire est si bon ! Après une année, on est tout étonné de voir comme l’on comprend mieux ; il semble qu’il se soit fait un travail intérieur et inconscient de réflexion ; l’esprit s’est étendu, ouvert ; une lecture récente nous a mis sur la voie d’idées nouvelles : que sais-je encore ?… Le temps, dites-vous, vous a manqué. Ce n’est pourtant pas bien long de lire deux pièces de théâtre ! Et quelle bonne soirée vous eussiez passée ! Et surtout comme votre leçon y eût gagné ! Comme on parle mieux de ce qu’on a présent à l’esprit ! Comme l’expression est plus vive quand l’impression est plus fraîche ! Si vous ne pouviez tout relire, il fallait du moins relire une partie, quelques passages, les principaux ; cela eût suffi pour raviver Vos Souvenirs.

» Croyez-moi, une biographie n’est que la préface d’une étude littéraire. Que vous me disiez que Beaumarchais a été horloger, musicien, homme de cour, financier, manufacturier, éditeur, armateur, fournisseur, agent secret ; soit. Mais il a été aussi écrivain, et c’est comme écrivain qu’il nous occupe ; parlez-nous donc de l’écrivain, surtout de l’écrivain ; aidez-nous à nous faire de lui une idée quelque peu nette. y a dans un écrivain deux choses étroitement liées, je le sais, et s’entraînant l’une l’autre, qui peuvent pourtant être considérées successivement et à part, le fond et la forme, les